Dans le n°7 de la revue « Réfractions » (2001), Marc Prévotel, fils de deux des militants libertaires impliqués dans ce qui fut « l’affaire des stérilisés de Bordeaux* », revenait sur ces événements de 1935, et en particulier sur le rôle joué par la presse de l’époque (voir ci-dessous). Où l’on voit que les salariés du mensonge des chaînes d’info d’aujourd’hui ont eu de brillants prédécesseurs.
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C’était le 1er avril 1935. Le quotidien parisien Le Matin titrait en première page : « Une extraordinaire affaire de stérilisation à Bordeaux. – Une quinzaine d’individus à tendance libertaire se sont soumis à une mutilation volontaire qui fut opérée par un médecin étranger d’origine autrichienne, croit-on, qui a pris la fuite. Trois « stérilisés » ont été arrêtés, d’autres arrestations sont imminentes. Quel était le but poursuivi par l’étrange praticien si dangereusement entreprenant ? » Ainsi commençait une affaire qu’on qualifierait aujourd’hui d’abracadabrantesque : la France, frappée au-dessous de la ceinture, défendue par des policiers et des magistrats en mal d’avancement et des pisse-copie à l’affût du scoop. A part l’audiovisuel en plus, les mœurs n’ont pas tellement changé.
Le journaliste du Matin, sans complexe, n’y allait pas avec le dos de la cuillère : « En elle-même, elle [l’affaire] comporte déjà, pour l’instant, des éléments si fantastiques, si exceptionnels qu’elle apparaît comme un défi à la raison puisqu’elle nous ramène brutalement vers la constatation de mœurs sauvages que l’on pouvait croire disparues de notre monde civilisé. » Et allez donc ! Il paraît qu’aujourd’hui encore on rémunère de tels valets de plume ! Il faut noter que ses patrons en ont eu pour leur argent : « On se demande si on ne se trouve pas en présence de “chargés de mission” d’un genre particulier, ayant appliqué un plan conçu hors de nos frontières et mandatés pour importer sur notre territoire des rites subversifs capables d’amoindrir notre race ou, pour le moins, de répandre de nouveaux germes de désagrégation. » Le médecin autrichien Bartosek ne pouvait être, de toute évidence, qu’un agent de l’Autrichien Adolf Hitler.
A partir du 2 avril, ce fut la curée dans toute la presse quotidienne, la « grande » presse et même… L’Humanité qui se mettait à regretter que « les travailleurs anarchistes soient détournés par leurs dirigeants, au profit de pareilles billevesées, de la lutte contre leurs exploiteurs ».
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