Le développement et le succès des sites d’opposition au régime dictatorial ainsi que l’accès des Cubains aux réseaux sociaux inquiètent le régime. Une nouvelle loi répressive va donc voir le jour, qui, sous couvert de résistance au « Grand Satan » américain, selon le catéchisme castriste, pourra condamner tout utilisateur ayant simplement « liké » une publication qui déplaît à la mafia au pouvoir. Le texte ci-dessous a été publié sur l’historique et excellent site d’opposition « 14yMedio ».
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Les députés cubains ont approuvé jeudi dernier la nouvelle loi sur la communication sociale, une réglementation qui a connu jusqu’à trente-quatre versions et qui, dans sa dernière mouture, pénalise formellement la simple interaction des utilisateurs de réseaux sociaux. Au-delà de la criminalisation accrue de la presse indépendante et des journalistes qui la font vivre, tout utilisateur d’Internet se sentira davantage insécurisé lorsque la loi entrera en vigueur.
C’est le chapitre IV, qui traite de la communication sociale dans le cyberespace, qui a subi une modification majeure depuis la publication des premières versions de la loi en juillet 2022. Dans ce chapitre, l’article 51 prévoit que les personnes concernées par la loi (toutes, comme spécifié à l’article 2) devront « répondre des contenus qu’elles génèrent, sélectionnent, modifient, partagent et publient ».
Dans la pratique, il suffira de publier un commentaire ou de réagir favorablement à une publication considérée comme ayant pour objectif « de subvertir l’ordre constitutionnel » ou « d’inciter au terrorisme et à la cyberguerre » pour enfreindre la loi, bien que la peine encourue ne soit pas encore connue. Le régime des sanctions doit encore faire l’objet d’une réglementation, mais le document prévoit déjà qu’elles seront « administratives ou judiciaires », selon les cas.
À ce jour, il y a déjà eu un certain nombre de cas de personnes ayant fait l’objet d’une enquête ou appelées à rendre des comptes, voire même sanctionnées dans le cadre universitaire ou professionnel pour leurs publications sur les réseaux sociaux, mais il n’y avait pas encore de norme spécifique qui en faisait un crime ou un délit.
L’article 51 contient un alinéa non moins inquiétant, qui appelle à « mettre en œuvre et à informer les utilisateurs des procédures d’autorégulation pour éviter les publications qui violent la Constitution, la présente loi et d’autres dispositions réglementaires en la matière », d’où il découle que les citoyens seront également informés de ce qu’ils peuvent ou non partager, approuver ou déplorer sur les réseaux sociaux.
Mercredi dernier, lors du débat préalable à l’approbation de la loi, les députés ont réfléchi à l’importance de promulguer une loi sur la communication qui aille au-delà des médias traditionnels et ne concernant plus les seuls professionnels du domaine de l’information. La députée Rosa Miriam Elizalde a déclaré qu’« un changement anthropologique se produit en raison de l’émergence de nouvelles communautés, avec de nouveaux langages », d’où la nécessité d’une réglementation « qui est même une loi de sécurité nationale, car nous parlons d’une législation nationale qui doit faire face à une infrastructure transnationale ». Dans l’intervention de la députée, on devinait l’intention d’intervenir dans un cyberespace qui échappe à la législation nationale. « Lorsque vous accédez à Facebook, a souligné Mme Elizalde, vous acceptez tout parce que vous voulez communiquer avec votre oncle, avec votre cousin. Vous acceptez une réglementation qui n’est pas nationale, qui de plus n’est pas seulement transnationale, internationale, mais dont les promoteurs se trouvent physiquement quelque part. » Il apparaissait clairement dans ses propos que, ne pouvant agir sur les réseaux eux-mêmes, le nouveau texte juridique était destiné à viser ses utilisateurs.
La plupart des pays se voient contraints d’adapter leurs règles à ce qui se passe sur les réseaux sociaux, en prévoyant de punir les comportements délictueux qui violent certains droits fondamentaux. Dans le cas de Cuba, cependant, on menace de qualifier de délit la diffusion d’une information qui peut être tout à fait vraie mais que le régime considère comme portant atteinte à sa stabilité. Cela criminalisera, on peut le prévoir, la diffusion des protestations, une activité qui a déjà été désignée par la presse officielle et les tribunaux eux-mêmes comme répréhensible, car elle tente de « déstabiliser l’ordre social ». Il pourrait également être considéré comme potentiellement préjudiciable de publier ou de partager des photographies ou des messages révélant des lacunes de l’État (que le régime considère comme visant à « dénigrer la révolution »), comme cela a déjà été le cas pour les hôpitaux, les écoles et d’autres installations en mauvais état. En outre, dans le même sens, il est expressément interdit de « critiquer les hauts fonctionnaires, de diffamer, de calomnier ou d’insulter des personnes, des organes, organismes et entités de l’État, les organisations politiques de masse et sociales du pays ».
Les autorités ont également perdu le contrôle des informations considérées comme des « faits divers ». Les assassinats, meurtres, vols avec violence, féminicides… sont plus que jamais connus de la population grâce à la diffusion réalisée par les réseaux sociaux, une réalité qui a brisé l’image d’un pays modèle en termes de paix sociale, qui existait lorsque la police contenait les statistiques de la criminalité. Ce type de contenu pourra également faire partie de ceux que le régime considère comme contraires aux intérêts de l’État.
Le projet de loi interdit également d’autres comportements internationalement criminalisés, tels que le harcèlement, l’humiliation, le racisme, l’homophobie ou la promotion de discours de haine, bien que cela soit théorique et qu’il reste à voir si son application sera, une fois de plus, arbitraire et motivée par des questions idéologiques.
« C’est le seul moyen de réduire l’asymétrie profonde entre les États-nations et la puissance économique brutale de ces grandes plates-formes, principalement nord-américaines », a déclaré la députée.
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Traduction : Floréal Melgar.
Lien d’origine : https://www.14ymedio.com/cuba/responder-sociales-Ley-Comunicacion-Social_0_3538446126.html