Le 29 mars 2010, j’étais l’invité
de l’émission « Trous noirs »,
sur Radio-Libertaire (RL),
pour raconter l’histoire de la création de RL
et de la lutte qu’il fallut mener auprès de l’Etat
et de quelques autres parasites
pour que notre station
puisse se maintenir
sur la bande FM,
ce qui ne fut possible
qu’à la fin de l’année 1984.
Voici l’enregistrement de cette émission.
Archive for the ‘09. Radio-Libertaire’ Category
Histoire de Radio-Libertaire (1981-1984)
Posted in 09. Radio-Libertaire on 16 mars 2022| 1 Comment »
Radio-Libertaire : la mémoire sonore
Posted in 09. Radio-Libertaire on 15 mars 2022| 1 Comment »
Le montage sonore ci-dessous se compose d’enregistrements divers effectués au cours de l’été 1983, l’époque des saisies de plusieurs radios, dont Radio-Libertaire, non autorisées à émettre par le gouvernement socialo-communiste d’alors.
Côté Radio-Libertaire, on y entend, dans l’ordre, les voix d’Aimé Marcellan (brièvement), qui animait alors l’émission de la CNT, puis la mienne, celle de Wally Rosell ensuite, puis celles de Teresa Lozano et de Nicolas Choquet, et pour terminer, en toute fin d’enregistrement, celle d’un copain que malheureusement je ne reconnais pas.
Ces enregistrements feront renaître bon nombre de souvenirs chez ceux qui ont vécu de près cette aventure et fournira aux autres une bonne indication de ce qu’étaient l’état d’esprit et la détermination des radiolibristes, libertaires ou autres, de ce temps.
(Un grand merci à Anarchiste.info pour cette bande-son.)
Reconnaissance tardive
Posted in 09. Radio-Libertaire on 11 mars 2022| 2 Comments »
Sur le programme des deux journées consacrées aux quarante ans d’existence de Radio-Libertaire, les secrétaires perpétuels « responsables » de la radio ont eu la délicatesse de faire figurer les photos des trois fondateurs de la station. Malgré le remarquable maquillage, on reconnaît Jacky-Joël Julien déguisé en Louise Michel, Gérard Caramaro en Bakounine,
et moi-même en Proudhon.
Cette reconnaissance tardive vient corriger un peu la censure* minable qui frappe aujourd’hui encore lesdits fondateurs.
____________
* Voir https://florealanar.wordpress.com/2022/02/26/contribution-a-lhistoire-de-radio-libertaire-9/
Contribution à l’histoire de Radio-Libertaire – 12
Posted in 09. Radio-Libertaire on 1 mars 2022| Leave a Comment »
LE PLAN DE FRÉQUENCES
C’est en août 1982 que le gouvernement socialiste créa la Haute Autorité de la communication audiovisuelle (HACA) pour régler la question de la bande FM « libérée ». La présidence en fut confiée à Mme Michèle Cotta et le volet « radios libres », très vite rebaptisées « radios locales », fut placé sous la responsabilité de l’incompétent Stéphane Hessel. Auparavant, de mai 1981 à août 1982, c’est le ministère de la Communication, offert par Mitterrand à son ami Georges Fillioud, qui en avait été chargé, lui-même nommant dans un premier temps la commission Holleaux, puis dans un second temps la commission Galabert, du nom de leurs chefs de file respectifs.
C’est l’une de ces commissions – j’avoue ne plus me souvenir précisément laquelle – qui, parmi les premières mesures prises, exigea des radios déjà existantes ou souhaitant émettre de fournir un dossier. Devaient y figurer les noms de la station et de ses représentants légaux, la nature de sa structure, associative ou autre, une grille de programmation, une explication générale sur le contenu des émissions, etc.
Parmi les déclarations fanfaronnes (« De la publicité sur la bande FM, il n’y en aura jamais ! ») ou mensongères que fit à l’époque le ministre Fillioud, l’une d’elles consista à affirmer de manière péremptoire que la modulation de fréquence n’était ni de droite ni de gauche, mais qu’elle obéissait à des lois purement techniques telles qu’il ne pouvait exister que dix-huit fréquences en région parisienne. Le bobard était un peu gros. Aussi avons-nous fait en sorte de joindre à notre dossier un document qui ne nous était absolument pas demandé : un plan de fréquences pour la bande FM en région parisienne, concocté par notre ami Julien.
Ce plan, tel que nous l’avons remis, prévoyait l’existence de quarante stations. Après nous avoir baladé durant un temps sur le mode « Le dossier ? Quel dossier ? Nous n’avons jamais reçu votre dossier… », ce qui nous amena à taper du poing sur la table, notre prétention à vouloir contester ainsi l’affirmation grossière du ministre fut évidemment prise de haut et moquée par les têtes pensantes du ministère.
Fin 1984-début 1985, lorsque enfin le plan de fréquences gouvernemental fut définitivement établi pour la région parisienne, il comptait trente-huit fréquences, soit seulement deux de moins que celui établi par notre camarade. Les lois purement techniques de la modulation de fréquence avaient dû miraculeusement changer…
Contribution à l’histoire de Radio-Libertaire – 11
Posted in 09. Radio-Libertaire on 28 février 2022| Leave a Comment »
LES AIGUILLEURS DU CIEL
Le phénomène des radios libres n’a bien sûr pas touché que la France. En Italie, c’est en 1975 qu’elles ont commencé à se multiplier. Mais là-bas, manifestement, le gouvernement ne s’est guère mêlé à l’époque de réglementer la bande FM. Aussi ont-elles pullulé. Ici, en France, au contraire, le gouvernement formé aussitôt après l’élection de Mitterrand à la présidence de la République va charger très vite le ministre de la Communication, Georges Fillioud, de s’occuper de la question. Pour justifier cette intervention de l’Etat et ses premières mesures répressives, le ministre et ses subalternes vont alors, dans leurs propos, faire sans cesse allusion au pays voisin, employant à profusion des expressions comme « il convient de mettre fin à la cacophonie » ou « nous ne laisserons pas s’installer l’anarchie à l’italienne sur la bande FM ».
Dès lors, on va voir apparaître sur la scène médiatique, dans pratiquement tous les débats consacrés aux radios libres, et notamment sur les stations officielles un peu inquiètes de voir naître toutes ces concurrentes, un personnage incontournable : l’aiguilleur du ciel.
Son rôle consistait, sur un ton alarmiste, à répéter qu’à chaque instant nous frôlions la catastrophe aérienne, tant les liaisons radio étaient perturbées par tous ces pirates depuis qu’ils se multipliaient.
En 1982, j’ai pu intervenir au cours de l’émission « Le téléphone sonne », sur France Inter, qui consacrait ce soir-là son émission aux radios libres. Dans le studio figuraient quelques spécialistes, ainsi que l’ineffable Stéphane Hessel, chargé du dossier « radios locales » au sein de la Haute Autorité de la communication audiovisuelle et… un aiguilleur du ciel venu réciter sa leçon sur ces catastrophes qui ne s’étaient toujours pas produites mais qui demeuraient imminentes.
« Je voudrais comprendre par quel miracle, lui avais-je demandé par téléphone à l’antenne, alors qu’un nombre manifestement important de catastrophes aériennes ont été évitées de justesse dans le ciel français, il ne s’est toujours rien produit dans le ciel italien depuis sept ans au moins qu’aucune réglementation n’existe chez nos voisins transalpins. » L’aiguilleur du ciel est resté muet. Les auditeurs n’eurent droit, en guise de réponse, qu’au bavardage hors de propos du baratineur professionnel que fut Stéphane Hessel, commençant son intervention par : « Ah ! mes amis de Radio-Libertaire… » suivi de son insupportable charabia.
Il s’écoula encore trois années avant que la bande FM soit définitivement régulée en région parisienne. Aucun avion, durant cette période, ne vint s’écraser sur les chaussures du ministre et de ses serviteurs.
Contribution à l’histoire de Radio-Libertaire – 10
Posted in 09. Radio-Libertaire on 27 février 2022| 3 Comments »
COMMENT CONTOURNER LA PROCÉDURE
Dans l’article précédent, je rappelais qu’Yves Peyraut, dans son livre Radio-Libertaire, la Voix sans maître, précisait sans plus d’explication que le projet de création de RL avait été accepté à l’unanimité, au congrès de la Fédération anarchiste de Neuilly-sur-Marne, en 1981, « sans enthousiasme réel ». C’est en effet le moins qu’on puisse dire.
Quarante ans après, je pense qu’il est permis de raconter comment les choses se sont passées, et en particulier de révéler ici la petite tricherie sympathique et surtout utile à laquelle se livra notre ami Julien afin de venir à bout des récalcitrants.
En mai 1981, Mitterrand était élu à la présidence de la République, ce que nous ne pouvions savoir à l’avance – précision importante pour la suite du récit – et très vite la bande FM va être prise d’assaut par ceux qui avaient surtout retenu, parmi les promesses du candidat socialiste, celle qui concernait la libération des ondes.
Julien, dont il a déjà été question dans les articles précédents, avait déjà, par le passé, vaguement proposé, ainsi qu’un autre militant, Marc Louste, d’intéresser les militants à la question des radios libres, sans succès. Mais cette fois, il va mettre le paquet. Conscient que le moment était venu de se lancer dans l’aventure, il va se tourner vers Gérard Caramaro et moi pour appuyer son nouveau projet. Pourquoi Gérard et moi ? Eh bien, tout simplement, parce que tous trois avions fait partie, au cours des années précédentes, du comité de rédaction du Monde libertaire, avec d’autres. Le jeu des affinités fit en sorte que des liens d’amitié se nouèrent entre nous trois, qui se traduisirent souvent par des fins de soirée agréables, après nos réunions militantes, dans les bistrots de la rue Lepic, à Montmartre.
Sa ténacité à vouloir faire naître cette radio n’eut aucun mal à faire de nous ses complices. Mais pour la mettre sur pied il fallait que la Fédération anarchiste en soit l’initiatrice, le matériel et le local nécessaires ne pouvant à long terme être à la charge, entre autres financièrement, d’un petit groupe de copains non fortunés, aussi déterminés soient-ils. La décision de créer une radio libre ne pouvant être prise qu’en congrès de l’organisation, c’est ainsi que fut élaboré un texte en vue du congrès de Pentecôte 1981, prévu à Neuilly-sur-Marne, en banlieue parisienne.
Si les premiers instants d’existence de Radio-Libertaire, ainsi que les semaines et mois qui suivirent, avec la bataille menée contre l’Etat, furent exaltants, le souvenir de ce congrès l’est en revanche beaucoup moins. Contre toute attente, en effet, il fallut batailler ferme pour arracher l’accord de l’organisation.
Les groupes de province de la Fédération anarchiste, très majoritairement, manifestèrent leur indifférence envers cette future radio que, pour des raisons géographiques, ils ne pourraient capter. Il fallut au passage encaisser quelques remarques anti-parisianistes habituelles et un peu stupides. La discussion concerna donc principalement les groupes de la région parisienne, et là, ô surprise désagréable, il fallut subir les procéduriers…
A l’époque, une règle exigeait que le texte présentant un projet à débattre en congrès soit publié dans le bulletin interne de l’organisation trois mois auparavant, pour laisser le temps aux groupes d’en débattre en leur sein. Or, en l’occurrence, la bande FM ayant été « libérée » après l’élection de Mitterrand, en mai 1981, notre texte ne pouvait obéir à cette règle, le congrès de Pentecôte se déroulant peu de temps après cette élection. Nous vîmes donc se succéder au micro quelques délégués de groupes prétendant qu’ils n’avaient pas eu vraiment le temps d’étudier notre projet et ne pouvaient donc se prononcer en sa faveur. Quelque peu effarés de constater un tel respect strict du règlement, nous dûmes à notre tour expliquer que nous n’avions pu prévoir la victoire socialiste à la présidentielle et surtout qu’il y avait urgence à se lancer dans l’aventure tant la bande FM menaçait d’être très rapidement saturée, des radios plus ou moins libres se créant à une cadence folle.
Ayant déjà perdu pas mal de temps à convaincre nos camarades réticents sur la nécessité de passer outre ce non-respect d’une règle impossible à respecter, il fallut ensuite se heurter à l’insistance procédurière de quelques militants, notamment ceux d’un groupe parisien qui assez cocassement portait le nom de Marius Jacob, le célèbre anarchiste s’étant montré beaucoup moins légaliste que nos camarades chicaneurs.
Ces militants nous reprochèrent alors de n’avoir pas inclus, dans notre texte, un « budget prévisionnel », faute de quoi ils ne pouvaient se prononcer en faveur du projet. Ayant mis notre agacement dans notre poche avec un mouchoir par-dessus, il nous fallut à nouveau répondre à cet « argument » et insister sur l’urgence à créer cette radio et le peu d’importance que pouvaient avoir ces questions de procédure et de conditions à remplir. Gérard et moi n’étions bien sûr pas les seuls à batailler. Je me souviens en particulier des interventions de Wally Rosell et d’autres militants que ce projet passionnait déjà. Toutefois, Gérard et moi fûmes surpris de ne pas voir Julien participer au débat. On se disait qu’il était quand même gonflé de nous avoir abandonnés, lui qui nous avait tannés, jour et nuit parfois, pour que cette radio voie le jour.
A l’époque, Julien possédait une vieille voiture dans laquelle il trimbalait en permanence une petite machine à écrire, de marque Japy. Alors qu’on se demandait où il pouvait bien être passé, il était en fait sorti de la salle du congrès et, sur sa petite machine, avait tout simplement élaboré un « budget prévisionnel » – totalement bidon, évidemment – accompagné d’un petit texte de présentation au bas duquel figuraient, en guise de signatures, le nom de Gérard et le mien, sans bien sûr qu’il nous en ait informés, mais cela nous fit bien rire. On le vit donc réapparaître dans les travées du congrès, distribuant aux militants présents ces documents fantaisistes qui, bien mieux que notre défense du projet, surent mettre un terme aux objections des révolutionnaires scrupuleux, adorateurs des règles à suivre.
Si Yves Peyraut, dans son livre, s’est contenté de préciser que l’enthousiasme manqua lorsque fut décidée la création de Radio-Libertaire, il est permis de rendre compte aujourd’hui des événements tels qu’ils se sont produits, d’autant qu’ici la tricherie de Julien fut plutôt amusante et de nature à ridiculiser quelque peu les postures militantes rigides qui empêchent d’aller de l’avant.
Contribution à l’histoire de Radio-Libertaire – 9
Posted in 09. Radio-Libertaire on 26 février 2022| 1 Comment »
RÉÉCRITURE DE L’HISTOIRE
Dans son livre Radio-Libertaire, la Voix sans maître, édité à l’occasion des dix ans de la station, en 1991, Yves Peyraut, qui savait de quoi il parlait puisque ayant rejoint le trio de départ dès les premières semaines d’existence de la radio, raconte : « … au congrès de Neuilly-sur-Marne, Julien présente un projet de fonctionnement et de budget de la future station. (…) Pour mener à bien une telle entreprise, trois compagnons : Jacky-Joël Julien, Floréal Melgar et Gérard Caramaro. » Une page plus loin, il reprécise : « Revenons aux balbutiements de Radio-Libertaire, à sa première semaine d’émission. Rappelons que trois, et seulement trois joyeux lurons, Julien, Gérard et Floréal, vont ouvrir l’antenne… »
Avoir participé à la création d’une radio libre telle que Radio-Libertaire et vécu d’on ne peut plus près la bataille qu’il fallut mener pour que sa présence perdure sur la bande FM, évidemment cela aide quand il s’agit d’en raconter l’histoire. Au cours des années, j’ai ainsi pu le faire, de nombreuses fois, toujours verbalement, sur l’antenne même de Radio-Libertaire, mais aussi sur France Culture, à deux reprises, ainsi qu’à l’antenne de deux ou trois autres radios libres. Bien sûr, cela n’interdit pas à ceux qui ne furent pas de l’aventure des premiers temps de se mêler de cette histoire, mais la consultation des sources*, le recours aux témoignages des fondateurs et de ceux qui vinrent rapidement les rejoindre, ainsi qu’une dose d’éthique élémentaire paraissent cependant nécessaires à l’élaboration d’un récit sérieux et argumenté. Ce ne fut hélas pas toujours le cas, et ces tripatouillages de notre histoire sont parfois d’autant plus désolants qu’ils émanent du sein même de l’organisation dont Radio-Libertaire est l’un des organes de diffusion.
La palme dans ce domaine revient à cette militante, historienne aussi approximative que vindicative, qui, dans une brochure publiée à l’occasion des trente ans de Radio-Libertaire, en 2011, rédigea un texte supposé en résumer l’histoire. Ce texte était signé Rose Paradis, un pseudonyme derrière lequel se dissimulait en réalité l’une des responsables d’alors de Radio-Libertaire, Elisabeth Claude, qui se distinguait par un autoritarisme repoussant dont même certains de ses proches camarades finirent par se lasser. Elle n’avait en rien participé à la création de RL ni à ses premières années d’existence puisque ayant adhéré à la Fédération anarchiste en 1989. A l’époque où son texte fut rédigé, Julien et Yves Peyraut, deux éléments majeurs dans cette histoire, étaient décédés. D’autres, qui avaient joué un rôle important, comme Jocelyne Fonlupt ou Nelly Derré, avaient quitté la Fédération anarchiste depuis pas mal de temps. Nourrissant de plus une forte inimitié à l’égard de Gérard Caramaro et de moi-même, elle ne crut pas utile de nous consulter. C’est ainsi qu’elle put truffer son écrit laborieux d’erreurs manifestes.
Parmi les émissions répertoriées comme les plus anciennes, elle rangeait par exemple Radio Cartable, la radio des écoles d’Ivry, ce qui n’était pas le cas, tandis que « Folk à lier », « Blues en liberté » ou l’émission « Prison » étaient oubliées. Wally Rosell et moi-même étions désignés comme ayant eu « l’immense privilège de prendre la parole les premiers sur Radio-Libertaire, le 1er septembre 1981 », assertion totalement fausse puisque Wally n’était pas présent le premier soir, seuls figurant dans le studio Julien, Gérard, Teresa Lozano et moi. De plus, je ne pris que très peu la parole ce soir-là, Julien et Gérard se partageant largement le micro. Yves Peyraut y est désigné comme le seul responsable ayant mené les négociations auprès des instances gouvernementales, alors que Wally Rosell et moi-même y avons grandement participé nous aussi. Passons sur une erreur de date concernant l’interdiction d’émettre ayant frappé RL, même si cela participe du peu de rigueur qui fonde cet écrit.
Tout cela n’est évidemment pas dramatique dans la mesure où cette brochure bien oubliée ne comptera certes pas parmi les sources fiables dont se serviront dans l’avenir ceux qui s’intéresseront à notre histoire, et c’est tant mieux. Il n’empêche que ce texte fut diffusé…
Le plus grave et le plus triste, hormis ces fausses informations, demeure la façon dont sont évoqués les initiateurs de RL et les premières années d’émission. De Jacky-Joël Julien, dont il est dit que sans lui Radio-Libertaire n’aurait peut-être pas vu le jour – point de vue que je partage –, était-il nécessaire d’écrire après sa mort, dans un texte rendu public, que pour aboutir à la création de RL « son opiniâtreté a pu parfois être dérangeante » ? J’ignore qui cette « opiniâtreté » a pu déranger, en tout cas pas celle qui écrit cela, absente dans toute cette histoire, mais heureusement que cette ténacité se manifesta face à l’indifférence de nombre de camarades, j’en témoigne, et Yves Peyraut, dans le livre mentionné ci-dessus, n’oublie pas de signaler que ce projet, adopté au congrès de Pentecôte 1981 de la Fédération anarchiste, le fut « sans enthousiasme réel ». Vive l’opiniâtreté, donc !
Gérard Caramaro, envers qui notre historienne improvisée éprouvait une forte détestation, connaît quant à lui, toutes proportions gardées bien sûr, le sort de ces bolcheviks et apparatchiks communistes chinois s’étant écartés de la ligne du Parti et que des faussaires faisaient disparaître des photos officielles, comme s’ils n’avaient jamais existé. C’est ainsi que pas une seule fois son nom n’est cité dans un texte qui prétend retracer, même brièvement, les premiers pas de RL. Stupéfiant, non ?
S’il est rappelé dans le texte que RL est officiellement l’organe de la Fédération anarchiste, cette précision permet surtout à notre aimable camarade de prétendre que « cela l’a protégée du goût du pouvoir de certains initiateurs ». Ah bon ? Qui donc ? Rappelons que, parmi lesdits initiateurs, Julien, Gérard, Yves, Wally, Nelly, Jocelyne et moi fîmes partie tour à tour du secrétariat radio tout au plus deux années de suite. La fraternelle « Rose Paradis », quant à elle, y resta au moins dix années consécutives, mettant fin, avec deux ou trois autres militants de son acabit, au fonctionnement très assembléiste et dynamique qui régnait jusque-là.
Des premières années d’existence, dont tous ceux qui les ont vécues se souviennent avec chaleur et émotion tant elles furent exaltantes, les seules remarques qui viennent sous la plume de notre sympathique rédactrice consistent à affirmer qu’« on reconnaissait Radio-Libertaire à sa faible qualité sonore, aux tics de langage de ses animateurs, aux blancs plus ou moins longs, aux vinyles rayés ou aux CD bloqués ! ». Bref, des bafouilleurs techniquement nuls et assoiffés de pouvoir, voilà qui nous étions… Sympa, non ?
Heureusement, les sauveurs sont arrivés. Car, poursuit notre modeste amie, « grâce à un travail important des mandatés [précision utile : elle en fait alors partie] de nombreuses difficultés ont été résolues ». Magnifique, non ?
J’en serais resté là de mes réflexions sur cet aspect navrant de l’histoire de RL revisitée par un médiocre faux témoin, quand une nouvelle information m’est parvenue. Il y a quelques mois, j’étais l’invité de l’émission « Femmes libres** », sur Radio-Libertaire, animée par Hélène Hernandez, pour précisément raconter une fois encore l’histoire de la naissance de RL et de ses premiers pas. Mes interventions au cours de cette émission avaient été enregistrées, de même que les témoignages importants de Jocelyne Fonlupt et de Wally Rosell, sollicités eux aussi. Le secrétaire perpétuel Hugues Lenoir, lui, qui avait refusé de me rencontrer, était présent, en direct, dans le studio. Or il apparaît que l’enregistrement de cette émission devrait peut-être servir lors des rencontres publiques, organisées les 12 et 13 mars prochain pour célébrer les quarante ans de RL, afin, je suppose, d’illustrer et de nourrir un débat autour de la création de la radio. Une chose est sûre, en tout cas, c’est que vous n’entendrez pas mes interventions, pourtant non polémiques, expurgées au montage par l’actuel secrétariat radio. C’est pitoyable, non ?
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* Il convient de signaler ici qu’un excellent mémoire de fin d’études, intitulé « Radio-Libertaire. L’organisation d’une radio anarchiste, 1978-1986 », fut présenté et soutenu, en septembre 2012, devant un jury présidé par l’historien Pascal Ory. Son auteur, Félix Paties, m’avait confié qu’un livre devrait être tiré de ce mémoire. Espérons que ce projet verra le jour.
** Pour ceux qui n’ont pu encore écouter cette émission, voici le lien vers l’excellent site non officiel qui le propose :
https://www.anarchiste.info/radio/libertaire/emission/femmes-libres/2021/09/01/
Contribution à l’histoire de Radio-Libertaire – 8
Posted in 09. Radio-Libertaire on 25 février 2022| 3 Comments »
LES GALAS DE SOUTIEN
Les galas de soutien à Radio-Libertaire constituent l’un des aspects importants de l’aide qui nous fut apportée et nous permit, grâce aux artistes, de tisser des liens avec nos auditeurs et de tenir le coup financièrement.
De la petite salle de la CNT, rue des Vignoles, jusqu’à Bobino, l’Olympia ou la Mutualité, à Paris, nombreux furent les spectacles proposés. Il faudrait consulter les archives du Monde libertaire pour retrouver les noms de tous ceux qui vinrent chanter pour que vive RL. Me reviennent en mémoire ceux de Louis Capart, Alain Aurenche, Serge Utgé-Royo, Daniel Vachée, Font et Val, Jean-Luc Debattice, Higinio Mena, Jacques Debronckart, Jean Guidoni, Catherine Ribeiro, Bernard Lavilliers, Jean Sommer, Gil Cerisay, Maurice Fanon, Marc Ogeret, Sapho, Sarcloret, le groupe Tchouk Tchouk Nougâh, Hamou Cheheb, Jean Vasca, Jean Bourbon, Xavier Lacouture, Gilbert Laffaille et tous ceux qui participèrent aux deux journées de soutien organisées à l’Espace BASF les 8 et 9 octobre 1983 (voir ci-dessous)… Tous ces artistes nous permirent, avec nos auditeurs, de recueillir les fonds importants dont avait besoin RL pour travailler avec du matériel fiable et dans un studio digne de ce nom.
Bien sûr, le gala qui demeure sans doute dans les mémoires du plus grand nombre reste celui offert par Léo Ferré, le 13 décembre 1983, à l’Espace BASF, aujourd’hui disparu, près de la place Balard, à Paris. Plus de 6500 spectateurs vinrent ce soir-là écouter celui qui n’aura jamais cessé, au long de sa vie d’artiste, de soutenir le journal puis la radio de la Fédération anarchiste.
Le Monde libertaire rendait compte de cette soirée mémorable dans son édition du 22 décembre 1983.

Contribution à l’histoire de Radio-Libertaire – 7
Posted in 09. Radio-Libertaire on 24 février 2022| 1 Comment »
BROUILLAGE
Ce soir-là, dans la cave du local du groupe Louise-Michel de la Fédération anarchiste, à Montmartre, où nous avions installé le premier studio de Radio-Libertaire, nous n’étions que deux à l’antenne, Gérard Caramaro et moi. Cela se passait au tout début de l’aventure, dans les premières semaines d’existence de la station, en 1981.
Nous animions comme chaque soir, entre 18 et 22 heures, l’émission en cours quand soudainement le téléphone se mit à sonner sans cesse. A peine avais-je raccroché avec un auditeur qu’un autre se manifestait aussitôt. Et tous nous signalaient que nous étions victimes d’un brouillage.
Je demandai alors à une auditrice d’approcher son combiné téléphonique près de son poste de radio, et en effet je pus constater qu’il s’agisait bien du brouillage classique opéré par Télédiffusion de France (TDF), consistant à envoyer par intermittence un son très aigu et bref sur la fréquence à parasiter. Pour l’auditeur, c’est franchement insupportable.
A chaque fois qu’on nous cherchait querelle, nous avions coutume de faire appel à l’auditoire en lui demandant de téléphoner massivement aux gêneurs. Ce fut le cas, par exemple, avec la Sacem et autres empêcheurs d’émettre en toute tranquillité. Dans le cas présent, l’opération fut rendue bien plus délicate, car il n’était pas facile de diffuser le numéro de téléphone de TDF à l’antenne à cause de ce brouillage. Néanmoins, grâce à cette auditrice et sa radio, au téléphone et à une minutieuse tactique entre Gérard et moi, difficile à expliquer ici sans le recours à l’image, nous avons pu faire connaître le numéro de téléphone de TDF aux courageux auditeurs restés à l’écoute malgré l’insupportable sifflement cadencé.
Les auditeurs se mirent alors à téléphoner aux brouilleurs, mais dans un premier temps rien ne changea. Le brouillage continuait…
C’est alors que le téléphone sonna une nouvelle fois dans notre studio. C’était un auditeur qui me tint ce langage : « Le numéro de TDF que vous avez donné n’est pas celui qui convient. Je vais vous donner le numéro direct du service de brouillage… » Et il me fournit un numéro. Après avoir raccroché, pour être sûr de n’avoir pas eu affaire à un fantaisiste, Gérard et moi avons appelé ledit numéro et pu constater que le renseignement était de premier ordre.
Nous avons alors demandé aux auditeurs d’appeler au bon numéro. Dix minutes plus tard, le représentant d’une fédération de radios libres liée au Parti socialiste, et donc au gouvernement, nous appelait au studio. Il était lui-même en relation avec les gens de TDF car je l’entendais s’adresser à eux via un autre poste que celui avec lequel il me parlait. Sa demande consistait à ce que nous cessions de fournir à nos auditeurs, à intervalles réguliers, le numéro des brouilleurs. Les malheureux n’en pouvaient plus car nos auditeurs n’arrêtaient pas de les appeler, pour leur tenir des propos pas toujours aimables.
Avec Gérard, nous leur avons répondu, d’une part, que nous n’avions pas besoin d’un intermédiaire et que TDF pouvait s’adresser directement à nous. D’autre part, et surtout, qu’il n’était pas question que nous demandions à nos auditeurs de cesser d’appeler TDF tant que notre fréquence serait brouillée. C’est ainsi que le brouillage cessa quelques minutes plus tard.
Nous n’avons jamais su qui était cet auditeur nous ayant transmis l’information capitale sur le bon numéro de téléphone. Cet épisode illustre parfaitement, en tout cas, un aspect important de la bataille menée pour que Radio-Libertaire continue d’émettre : celui des coups de pouce anonymes, nombreux, qui nous permirent d’aller de l’avant.
Contribution à l’histoire de Radio-Libertaire – 6
Posted in 09. Radio-Libertaire on 23 février 2022| Leave a Comment »
« ANNICK ET GEORGES »
Le 7 novembre 1997, le sympathique Emmanuel Laurentin, alors animateur de l’émission « L’Histoire en direct », sur France Culture, organisait un débat, au studio Charles-Trenet de la Maison de Radio France, sur le thème « Les radios libres : 1977-1983 ». Les invités en étaient Pierre Bellanger, fondateur de La Voix du Lézard, devenu président de Skyrock ; Georges Fillioud, ex-ministre de la Communication durant l’ère Mitterrand ; Antoine Lefébure, véritable pionnier du radio-librisme et fondateur de Radio-Verte ; Annick Cojean*, journaliste, qui avait couvert, pour le quotidien Le Monde, toute cette période de la floraison des radios dites libres et des événements liés aux conditions d’attribution de fréquences ; enfin, je représentais, au côté de tous ces personnages, Radio-Libertaire.
Arrivé le premier à la Maison de Radio France pour participer à ce débat, je fus invité à pénétrer dans une petite salle d’attente. Quelques minutes plus tard, je vis arriver l’ancien ministre mitterrandien Georges Fillioud. Puis survint la journaliste Annick Cojean. L’ex-ministre se leva alors d’un bond, bras ouverts, grand sourire, en s’exclamant « Anniiiiick !!! ». De son côté, la journaliste forcément indépendante puisque œuvrant pour le « grand journal de référence », y alla d’un jovial et retentissant « Georges !!! ». Tous deux tombèrent alors dans les bras l’un de l’autre, avec force bises, compliments et réel plaisir de se retrouver.
Assis dans cette petite pièce à deux pas de ces personnes importantes enlacées et se pommadant mutuellement, je mesurais alors on ne peut mieux, en les observant, la distance séparant le monde politique de celui du journalisme haut de gamme…
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* Durant toute la période où la bataille fit rage pour l’obtention d’une dérogation permettant d’émettre sur la bande FM, tous les journaux de France ont un jour ou l’autre évoqué Radio-Libertaire, que ce soit de manière sympathique ou critique. Il est vrai que compte tenu des innombrables actions que nous avons menées, il fallait être sérieusement aveugle et sourd pour ignorer notre existence. Annick Cojean aura été la seule journaliste à se faire un devoir de ne jamais citer une seule fois le nom même de notre station dans tous les articles qu’elle consacra au sujet. Cette rencontre, que j’espérais depuis plus de dix ans, m’aura en tout cas permis de lui faire savoir, les yeux dans les yeux, ce que nous pensions des plumitifs de son genre.