Le Festival du film latino-américain de Toulouse (Cinélatino) se tiendra du 15 au 24 mars et consacrera un espace important au cinéma cubain, qu’il s’agisse du cinéma réalisé à Cuba ou en exil. L’occasion d’évoquer le programme prévu et, à travers lui, de brosser brièvement l’état des lieux en matière cinématographique à Cuba. Dans un article à suivre, il sera question de la censure, omniprésente dans ce pays depuis plus de soixante ans.
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Sous le titre « Saluts aux Cubains ? Résister à la disparition », la section « Focus » proposera une approche critique de l’état actuel du cinéma cubain, avec la projection d’œuvres controversées et censurées à Cuba, ainsi qu’un hommage au documentariste Nicolás Guillén Landrián.
« Actuellement, la production cubaine est en grande partie un cinéma de l’exil. C’est pourquoi la sélection de courts métrages de cinéastes de la diaspora présente, avec quelques films de l’île, la diversité de la génération exilée », indique le comité d’organisation de l’événement, qui précise que si « Cuba a été pendant la seconde moitié du XXe siècle un pays au cinéma dynamique », les immenses difficultés actuelles, tant économiques que politiques, « ont profondément changé la relation de l’île avec ses cinéastes ».
« Ces jeunes réalisateurs revendiquent la référence à un artiste méconnu : Nicolás Guillén Landrián. Ernesto Daranas, à qui l’on doit notamment la fiction Sergio & Sergei (2017), propose un magnifique documentaire qui revient sur sa douloureuse carrière : Landrián », expliquent-ils, ouvrant ainsi leur porte au réalisateur cubain, l’un des invités du festival.
En collaboration avec le programme « Soutien aux nouvelles salles et à l’industrie cinématographique cubaine » de l’ambassade de France à Cuba, 19 œuvres cubaines seront projetées à Toulouse, dont des longs et courts métrages, documentaires et fictions.
Sur les trois longs métrages diffusés au festival, deux ont été interdits à Cuba. Les documentaires El caso Padilla (Pavel Giroud, 2022) et Llamadas desde Moscú (Luis Alejandro Yero, 2023) n’ont pas été vus dans les salles cubaines, malgré les prix qu’ils ont remportés à l’étranger. Le premier est un regard, à travers des archives longtemps cachées, sur l’un des moments les plus sombres de la relation toujours tendue entre le régime et les intellectuels* ; tandis que le second, censuré en décembre 2023 au Festival du film de La Havane, est une chronique d’un groupe de migrants cubains vivant illégalement dans la capitale russe.
Le troisième long métrage du festival est le film de fiction Sergio & Sergei, qui est sorti sur les écrans cubains, bien qu’il ait reçu un accueil timide de la part de la critique officielle.
Quant à l’hommage à Nicolás Guillén Landrián**, qui comprend le documentaire que Daranas a réalisé en 2022 et sept œuvres du cinéaste disparu, les organisateurs ont déclaré qu’il était impossible pour eux de passer outre, car « le fil conducteur de son œuvre est l’humain, dans ses détails apparemment insignifiants, mais en réalité infiniment poétiques et libres, et qui couvre toute la carrière de cet artiste mal-aimé de la Révolution ».
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* Voir sur ce blog :
https://florealanar.wordpress.com/2023/04/12/le-cas-heberto-padilla/
** Auteur de plusieurs documentaires, pour la plupart censurés par le régime castriste, Nicolás Guillén Landrián fut accusé de « déviation idéologique » et envoyé dans un élevage de volailles dans l’Île de la Jeunesse pour y travailler. Emprisonné à plusieurs reprises, il fut soumis à des traitements assimilables à la torture dans des hôpitaux psychiatriques. Exilé aux Etats-Unis en 1989, il est mort à Miami en 2003.
A suivre : « Le cinéma cubain et la censure : une autre histoire malheureuse ».
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