J’apprends avec beaucoup de peine la mort de Thierry de Lavau, un compagnon libertaire rencontré à la Fédération anarchiste où il avait adhéré en 1977. Il fut l’un des piliers de Radio-Libertaire, au sein de laquelle il anima durant plusieurs décennies l’excellente émission « Traffic ».
Dans un milieu militant souvent rude, ce camarade sympathique et chaleureux se distinguait par une belle humanité.
Salut Thierry.
Sur cette photo, Thierry (à droite) en compagnie de Fred Alpi et de Mat Firehair, dans le studio de Radio-Libertaire.
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Laurent et moi sommes horriblement tristes, d’autant qu’on pensait qu’il allait mieux ces derniers jours, Il nous avait envoyé un lien vers son nouveau site : https://thierrydelavau.piwigo.com/
On est encore sous le choc de la nouvelles, d’autant qu’on se réjouissait ces derniers jours pensant qu’il allait mieux…
Sylvie (Lundi matin)
A 800 km de la capitale, un petit cabanon au milieu des oliviers, une carte agrafée au milieu de nulle part.
Salut et bon vent Thierry… Et merci pour toutes les photos que tu nous as laissées.
Article de Thierry en 2016 (« Le Monde libertaire »)
https://monde-libertaire.net/?articlen=1611&article=_Glacant___accablant___inimaginable__etc
Sur ce blog Thierry explique sa situation médicale. Plusieurs copains (dont moi) ont répondu à son appel (des dessins format carte postale pour décorer sa « bulle »). En tout cas ça démontre que même très malade il était toujours plein de projets !
Il avait l’intention de réaliser une vidéo montrant cette exposition « privée ». Je ne sais pas s’il a eu le temps de réaliser ce dernier projet.
https://www.untrainpeutencacherunautre.com/thierrydelavau.html
NOVEMBRE 2023, MON ACTUALITE COMME SUJET DE CREATION
Bonjour à tou(te)s,
C’est une expérience dont je me serais bien dispensé mais on m’a juste précisé, qu’au final je n’avais guère le choix. Sans rentrer dans les détails, à partir du 21 novembre pour une durée de 6 semaines à 2 mois (?) je vais vivre tel un enfant-bulle dans une chambre d’hôpital, aseptisée, contrôlée, dans un service protégé en atmosphère neutre. Encore, si cette épreuve me permettait de replonger illico en enfance, je ne dis pas, mais de ça il n’en est pas question.
Alors, si cette perspective est guère enthousiasmante, autant jouer pour en modifier un tant soit peu les règles. J’ai donc imaginé de profiter de cette « réclusion forcée » pour aménager mon environnement contraint en galerie éphémère. Déjà, cela me divertira de tous ces appareils déprimants occupant 24h/24 mon champ de vision, mais cela sera aussi, et surtout, une parenthèse agréable, pour les intervenant(e)s médicaux qui se succéderont auprès de moi tout au long de ces heures, de ces jours, de ces semaines …
J’ai toujours trouvé agréable d’entrer dans un espace où le regard était interpellé par des curiosités inédites, pour peu qu’elles m’invitent au voyage, qu’elles m’incitent au rêve ou à la réflexion. Alors autant transformer une des chambres du secteur Trèfle 3 – j’imagine que ce nom est censé porter bonheur – en galerie digne de la rue de Seine à Saint Germain des Prés.
L’idée est donc d’exposer au fur et à mesure de leur arrivée, sur les murs de mon espace d’à peine 9m² les contributions que les un(e)s et les autres m’aurez adressées.
La contrainte, parce que malheureusement il y en a UNE, se résume à la taille (voire au volume). Si vous souhaitez participer à cette exposition – dont le thème est libre comme votre imagination – vous pouvez m’envoyer sous enveloppes (à l’adresse indiquée plus bas) : cartes, collages, pliages, origamis, peintures, photos, dessins, écrits, etc … au format carte postale (environ 10×15 cm).
Afin d’éviter l’entrée de germes, de champignons, de poussières dans un secteur protégé, l’hôpital demande que tout ce qui est affiché dans la chambre soit filmé sous une pellicule plastique. Le service se chargera lui-même de cette opération avec le plus grand soin.
Si la taille et/ou le volume ne permettait pas de l’intégrer à l’exposition, une photo de l’objet sera faite afin qu’il puisse malgré tout figurer avec les autres.
A la fin je ferai une restitution de l’événement.
Voilà, j’espère que cette initiative saura vous enthousiasmer autant qu’elle m’excite.
Bien @micalement
Thierry
A propos de l’émission Traffic (arrêtée en septembre 2021):
https://www.anarchiste.info/radio/libertaire/emission/traffic/
Dans « Traffic », il n’y a que des trafiquants notoires et des alchimistes clandestins. Avant d’être des animateurs, Agnès et Thierry, les acharnés du mercredi 22 h 30, sont avant tout des passeurs d’émotions, des arrangeurs de rencontres improbables, des ficeleurs de paquets cadeaux. Support privilégié, la musique garde une grande place dans la programmation de « Traffic ». Partant de la remarque de Philippe Carles & Jean-Louis Comolli (in Free jazz / Black power, éd. Folio) qu’aucune musique n’est socialement inactive, idéologiquement insignifiante, ni sans effet sur le normage culturel des comportements, les bases philosophiques d’une programmation radicalement différente sont posées et il s’agit alors d’offrir aux auditeurs des musiques, des lectures, des images, des histoires agissant en cohérence avec l’engagement de la plus rebelle des radios. Mêlant les sons d’Ailleurs, les accords rebelles du rock, les discours revendicatifs du rap, les mélodies chaloupées du dub et du reggae, aux accents de sincérité de la chanson française. Les musiques croisent bien souvent les chemins de l’écriture avec ce que cette dernière apporte de rêve, d’évasion, mais aussi de révoltes et de témoignages.
Ainsi, que la rencontre se fasse autour d’un livre, de textes ou d’articles, il y est toujours question d’un engagement, celui de défendre une parole libre, avant tout et surtout, quand on cherche à la réduire au silence.
Attentifs à des évènements que nous soutenons, à des lieux que nous apprécions, à des praticiens de la liberté que nous aimons, nous avons plaisir à les retrouver dans leurs engagements fidèles. Partisans, nous avons aussi choisi d’accueillir ceux qui dénoncent le commerce des consciences, les nouvelles formes du colonialisme. Enfin, sans complexe, nous réussissons à parler d’arts plastiques, de photographie et de vidéo sans le support de l’image.
Ainsi la programmation de « Traffic » papillonne (au sens fouriériste) sur des idées, des pratiques, des doutes et des actions qui reposent toujours, il ne faut pas l’oublier, sur l’engagement de femmes et d’hommes qui ne se satisfont pas du monde tel qu’il est. Nous partageons cette envie de transformer ce monde et nous les soutenons, dès lors que nous défendons les mêmes valeurs.
Sur ce blog, Thierry expliquait pourquoi il avait arrêté le « Traffic » sur Radio Libertaire.
Comme on sait, dans la grille de Radio Libertaire l’émission « Traffic » était programmée chaque mercredi à 22 h 30 et faisait suite à « Ras les murs », l’émission sur les prisonniers. Après 2 heures de paroles dures et militantes sur l’enfermement carcéral, « Traffic » était la porte de sortie musicale idéale vers des territoires de liberté et de rêverie.
Avec son sens aigu de la radio, avec sa voix douce et un peu distanciée, Thierry savait nous entraîner vers le grand envol nocturne et urbain, il nous faisait découvrir les musiques de la grande ville qui n’avaient pas cours ailleurs (sauf sur cette même radio, comme « Nuits Off », « Epsilonia », « Rock Kontact », etc.).
Personnellement, je ne le remercierai jamais assez de m’avoir fait découvrir une certaine nuit des années 90 la B.O. du Trésor des Îles Chiennes (FJ Ossang) de Messagero Killer Boy !!
Merci pour tout Thierry !
Difficile de retrouver des traces de la « voix douce et un peu distanciée » de Thierry… On l’entend sur cette vidéo de l’émission « Traffic ».
Compilation « Un peu » « beaucoup » « passionnément » « pas du tout » : une des nombreuses réalisations du label V.I.S.A.
http://zebrock.org/actualite-reflexions/zebrock-30-ans-un-peu-beaucoup-passionnement-a-la-folie-les-cd-collectors/
Décembre 1992 : la compilation V.I.S.A. voit le jour avec Zebrock
En 1992, Internet n’est qu’une promesse d’initiés et les réseaux sociaux, une éventualité que seuls des auteurs d’anticipation peuvent évoquer, vite taxés d’audacieux et de doux rêveurs – c’est ce qui fait leur charme, n’est-ce-pas. Mais la période est d’une grande vitalité. La scène indépendante ou underground est vivace et occupe avec créativité les espaces de liberté que l’industrie de l’entertainment est en train, patiemment mais férocement, de lui disputer. Revêche, contestataire, subversive et rieuse elle affirme, un temps, son leadership à coup de DIY. Qui dit scène Indé, dit squats comme Pali Kao ou Les Cascades à Paris, fanzines, dont le fameux Abus Dangereux et Labels. Il y en a plusieurs : Boucherie Productions, Crash Disques, Black & Noir… En tête, le plus authentique et pionnier, V.I.S.A, celui qui a diffusé les premières cassettes de Bérurier Noir. C’est dire. Indé, fureteuse, curieuse, l’équipe de V.I.S.A caresse au début des années 90 un projet magnifique, fou et ambitieux. Une grande somme des groupes indés d’Europe, une façon sans doute d’inviter à une Europe qui soit autre chose qu’un Marché Unik. Disques, livrets voire concerts… le concept est démesuré, mais l’équipe de V.I.S.A. est taillée pour la démesure. Tout paraît prêt à paraître, quand patatras, le distributeur prévu, New Rose, éminente et historique maison de disque de Paris, connue dans le monde entier, fait faillite et est rachetée par FNAC Music. Autant dire l’ennemi pour nos indés. Au terme de discussions musicales passionnantes dont il ressort une concordance de vues sur la vie, le boulot et le reste, il est convenu que Zebrock avec le Conseil général de Seine Saint-Denis, va aider le projet à aboutir. L’achat de plusieurs centaines de disques offerts aux lecteurs du fanzine Zebrock, fait la mise de fonds dont le label a besoin pour lancer le projet. Soutien discret mais solide : les quatre volumes de la compilation voient le jour. Un peu, Beaucoup, Enormément, A la folie marquent un jalon important dans l’affirmation d’une scène musicale inventive, multiple, vivace et coriace. Regardez bien les noms et fouillez : un pan décisif des musiques libres de cette époque se dévoile. Pour en savoir plus : NordWaves, le site de référence.
Publié le 14 mai 2020
Par Edgard Garcia
Pfff !!… Ok Sylvie, mes adjectifs n’étaient sans doute pas bien choisis.
Une voix « amicale et pondérée », ça vous convient mieux ?? (désolé je ne suis ni écrivain ni journaleux…)
Bref, tout ça pour dire que c’était une voix de radio inoubliable, au service de musiques inouïes que le bonhomme nous faisait découvrir.
Thierry est exigeant, passionné, critique et éternellement insatisfait d’un monde que nous voulons autrement.
Mais Thierry est un passeur d’idée, un trafiquant de musique en contrebande. Un réalisateur de rêves. Thierry est un grand frère sur lequel on peut compter. Thierry n’a jamais rien lâché et surtout pas la vie. Si jamais il y a un putain de paradis, ils ont plus qu’à bien se tenir, car il va bien les faire chier là-haut !
Salut l’artiste.
Laurent Nicolas
nuits off
@ Manu : désolée du malentendu, ce n’était pas du tout une critique, au contraire, j’approuve tout à fait les termes que j’ai cités ; la voix de Thierry était bien « douce et un peu distanciée », ainsi que le démontre la vidéo.
Laurent prépare un texte en hommage à Thierry, qu’il publiera sur le blog du groupe libertaire d’Ivry (sachant que les articles des groupes sont systématiquement repris par le site officiel de la Fédération anarchiste).
@Laurent Nicolas : j’approuve également les termes de ton commentaire.
La cérémonie pour Thierry se tiendra le vendredi 9 février à 11 h 30 au Crématorium du Père Lachaise.
Hommage à Thierry de Lavau, anarchiste, animateur sur Radio libertaire (1982 ‐ 2021), créateur du label V.I.S.A, organisateur d’expos, concerts…
Par Laurent, groupe libertaire d’Ivry, animateur de « Lundi matin » sur Radio libertaire.
https://ivry.anarchiste.info/article830/thierry-nous-a-quittes-cette-nuit
« Thierry De Lavau avait pris la parole, lors de la cérémonie funéraire de Gérard Terronès en mars 2017. Il y dessinait, de mémoire, la précise silhouette de tous les idéaux portés par le proverbial producteur… » (Voir la suite sur le lien ci-dessous.)
https://nato-glob.blogspot.com/2024/02/thierry-de-lavau.html
De retour de la cérémonie d’adieu à Thierry au Père Lachaise : une bonne centaine de personnes au moins (pas très douée pour évaluer les quantités mais vraiment la salle était pleine…), dont plusieurs animateurs et animatrices de Radio libertaire. Son fils et des amis ont pris la parole, quelqu’un a lu une lettre de sa soeur. Les musiques : Révolution permanente de Moustaki https://www.youtube.com/watch?v=98GVY9miJ7s Les Passantes de Brassens https://www.youtube.com/watch?v=iKkLjHAvf1k Avec le Temps de Léo Ferré https://www.youtube.com/watch?v=ZH7dG0qyzyg et d’autres que je ne connaissais pas. Laurent et moi bouleversés, surtout quand on a dû effacer le contact de notre ami, qu’on n’appellera plus jamais.