« Quelle que soit la cause que l’on défend, elle restera toujours déshonorée par le massacre aveugle d’une foule innocente où le tueur sait d’avance qu’il atteindra la femme et l’enfant.
Je n’ai jamais cessé de dire… que ces deux condamnations ne pouvaient se séparer, si l’on voulait être efficace… Comme il m’a paru nuisible et indécent d’aller condamner le terrorisme aux côtés de ceux qui trouvent la torture légère à porter…
Chacun, pour se justifier, s’appuie alors sur le crime de l’autre. Il y a là une casuistique du sang où un intellectuel, me semble-t-il, n’a que faire, à moins de prendre les armes lui-même…
Lorsque la violence répond à la violence dans un délire qui s’exaspère et rend impossible le simple langage de raison, le rôle des intellectuels ne peut être, comme on le lit tous les jours, d’excuser de loin l’une des violences et de condamner l’autre, ce qui a pour double effet d’indigner jusqu’à la fureur le violent condamné et d’encourager à plus de violence le violent innocenté. »
(Albert Camus, « Chroniques algériennes », Actuelles III)
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Au lendemain du pogrom du 7 octobre dernier mené par les fanatiques islamistes du Hamas, les guerriers à distance, baroudeurs de clavier, ont revêtu encore une fois la tenue de combat pour y aller de leurs commentaires innombrables ou communiqués militants, parmi lesquels celui du NPA demeurera à jamais comme l’un des plus immondes.
Je n’ai jusque-là rien publié sur le conflit guerrier qui se poursuit aujourd’hui encore dans la bande de Gaza. Le sujet est tel qu’il est quasiment impossible d’éviter la folle passion, avec ce qu’elle entraîne de mensonges, de relais d’intox de toute sorte, de racismes divers planqués sous vernis idéologique, de tripatouillages historiques servant à justifier les plus ignobles saloperies.
Le seul communiqué qui m’ait alors paru à la fois sage et digne est celui du Cercle d’études libertaires Gaston-Leval, rédigé au lendemain des massacres commis par le Hamas, que je relaie ci-dessous.
« L’attaque contre la population israélienne déclenchée le 7 octobre par la “branche militaire” du Hamas s’est soldée par une épouvantable boucherie.
Les militants et organisations libertaires ne sauraient en aucun cas légitimer un tel massacre, qu’il n’est pas possible d’identifier à un acte de résistance : il s’agit bien de crimes.
Demain, c’est la population palestinienne qui subira les représailles de l’Etat d’Israël.
Pour les anarchistes, aucune religion ne saurait être porteuse d’émancipation, et l’émancipation nationale d’un peuple ne saurait résulter d’actes de barbarie.
La nécessaire analyse de la chaîne d’événements qui ont conduit à ce massacre ne devra pas être éludée, le moment venu, ni la réflexion sur les causes par lesquelles une organisation de fondamentalistes religieux s’est approprié le droit de représenter une population opprimée. »
(Cercle d’études libertaires Gaston-Leval, 8 octobre 2023)
Le 12 septembre 1970 débutait le conflit guerrier connu sous le nom de Septembre noir, qui opposa l’armée jordanienne à l’Organisation de libération de la Palestine (OLP). Il y eut alors plusieurs milliers de morts de part et d’autre, en majorité des civils palestiniens.
Maurice Joyeux évoqua ces événements dans Le Monde libertaire* d’octobre 1970. Alors que se poursuit la guerre dans la bande de Gaza, il n’est pas inintéressant de lire ou relire aujourd’hui ce texte, notamment la partie qui lui sert de conclusion, « L’utopie révolutionnaire », de nature à faire l’objet du mépris hautain des bavards du gauchisme, mais on sait depuis longtemps que le gauchisme n’a pour seule fonction que l’étalage permanent de sa bêtise. Voici un extrait de cette conclusion.
« Au Moyen-Orient, il n’y a pas de solution juive, de solution palestinienne, pas de solution arabe, pas de solution américaine, chinoise, russe, car chacune de ces solutions suppose l’écrasement des autres et par conséquent le rejaillissement des révoltes fomentées par les minorités opprimées. Au Moyen-Orient il n’y a pas de solution de force. Au Moyen-Orient la seule solution c’est l’accord entre les parties et cet accord suppose que soient écartés les intérêts impérialistes, les intérêts de clans, les intérêts de sectes, cet accord suppose la destruction des régimes autoritaires quels qu’ils soient. Cet accord suppose le retour aux principes du socialisme révolutionnaire, libertaire, utopique. Car l’utopie c’est d’abord la rupture complète avec tous les éléments qui en se superposant ont rendu le problème insoluble.
Oui, je vois sur les lèvres des forts en thème le sourire supérieur des imbéciles. Le socialisme n’est pas possible dans l’environnement du Moyen-Orient. Il faudra des dizaines d’années, des centaines d’années pour que les haines s’apaisent, pour que les intérêts particuliers s’effacent devant l’intérêt général des populations. C’est bien possible, c’est probablement vrai, mais c’est la seule solution possible. Toutes les autres, qu’elles soient russe, chinoise ou américaine, perpétueront le massacre et le temps donnera à ce massacre une dimension planétaire ! »
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Merci pour ce rappel opportun !
Fraternellement
J-Marie