Combien de prisonniers y a-t-il à Cuba ? Combien ont été emprisonnés pour des raisons politiques ? La population carcérale de l’île est-elle l’une des plus importantes au monde ? Le manque de transparence caractérise le gouvernement cubain lorsqu’il s’agit de questions qui peuvent affecter l’image parfaite qu’il transmet dans sa propagande. Et parmi les données que le régime a essayé de mettre sous clé figurent celles qui concernent les prisons et les personnes privées de liberté.
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PAR CLAUDIA PADRÓN CUETO
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C’est en 2010 que la presse étrangère accréditée sur l’île a été autorisée pour la dernière fois à entrer dans plusieurs prisons du pays dans le cadre de visites guidées. A cette occasion, quelques chiffres ont été fournis, tels que la population carcérale (57337 prisonniers) et le nombre d’institutions pénitentiaires (200). Douze ans plus tard, aucune autorisation n’a été accordée pour que les prisons cubaines soient à nouveau visitées par des journalistes.
Sur la vie à l’intérieur des établissements carcéraux, on dispose de témoignages d’anciens détenus et de leurs familles, qui décrivent, selon leurs termes, un enfer. Le gouvernement n’autorise pas l’accès aux prisons aux organisations internationales qui pourraient constater quelles sont les conditions de vie des personnes détenues. Le système pénitentiaire du pays est l’un des rares de l’hémisphère occidental à rejeter toute forme d’examen indépendant, national ou étranger. Il n’existe pas non plus de statistiques officielles actualisées. Le peu d’informations recueillies l’a été par des organismes indépendants.
Que savons-nous des prisons cubaines ? « CubaNet » présente quelques faits.
Ecoles converties en prisons
A la fin de 1958, il y avait entre dix et quatorze prisons à Cuba, le chiffre variant selon les sources. Soixante-trois ans plus tard, le nombre de prisons est presque trente fois plus élevé. L’Observatoire cubain des droits humains (OCDH) a répertorié 293 centres pénitentiaires répartis selon leur régime de sévérité.
L’un des slogans les plus répétés de la Révolution est d’avoir converti les casernes des années Batista en écoles. Paradoxalement, selon les données de l’Observatoire, au moins 23 écoles construites par l’État ont été transformées en prisons après 1959. Pour une université dans laquelle l’Etat investit, il le fait dans le même temps pour cinq prisons.
Aujourd’hui Cuba, avec un peu plus de 11 millions d’habitants, compte cinq prisons de plus que le Mexique, troisième plus grand pays d’Amérique latine et dont la population est douze fois plus importante. Si l’on compare les chiffres cubains avec ceux de la Belgique, dont la population est presque identique (11,4 millions d’habitants), la nation européenne ne compte que 35 prisons, soit 258 de moins que dans la plus grande île des Caraïbes.
Cinquième plus grande population carcérale du monde
Le World Prison Brief, une base de données en ligne de l’université de Londres, qui fournit des informations sur les systèmes pénitentiaires du monde entier, n’a pratiquement pas pu recueillir d’informations sur l’île. Les données qu’elle utilise sont les chiffres officiels de 2012 et elle n’a pas été en mesure de les mettre à jour. Malgré cela, dans son classement, Cuba occupe la cinquième place mondiale en termes de population carcérale par rapport au nombre de ses habitants. Il convient de noter que pour les autres pays les chiffres sont actualisés et donc récents.
Toutefois, si l’on calcule la population carcérale selon les données compilées en 2020 par l’organisation Prisoners Defenders, basée à Madrid, qui affirme qu’il y a plus de 90000 personnes dans les prisons cubaines, le résultat est encore plus alarmant. Si tel était le cas, l’île aurait le taux de personnes incarcérées le plus élevé du monde, supérieur à celui des États-Unis.
Raúl y Díaz-Canel prétendent qu’il n’y a pas de prisonniers politiques à Cuba
« Donne-moi tout de suite la liste des prisonniers politiques pour que je puisse les libérer. Donne-la maintenant », a répondu Raúl Castro en 2016 lors d’une conférence de presse. Castro, qui n’a pas l’habitude de s’adresser à la presse, nationale ou internationale, ni d’être interpellé, a été visiblement irrité par l’allégation du journaliste de CNN Jim Acosta selon laquelle il y aurait des prisonniers politiques à Cuba. « S’il y a des prisonniers politiques, ils seront libérés avant la tombée de la nuit », déclarait le président de l’époque, debout à côté de l’ancien président des Etats-Unis Barack Obama. En juillet 2021, lors d’une rencontre avec des membres de la Caravane des pasteurs pour la paix, à La Havane, Miguel Díaz-Canel, actuel président cubain, a de nouveau nié l’existence de prisonniers politiques à Cuba.
Historiquement, le gouvernement de l’île a toujours dissimulé l’existence de prisonniers de conscience dans ses cachots. Toutefois, la dernière liste établie par l’organisation indépendante Prisoners Defenders confirme l’existence de 955 prisonniers politiques à Cuba en 2021, dont plus de 800 étaient encore emprisonnés le 31 décembre dernier.
En unifiant les informations de cette liste et les données de géolocalisation d’au moins 70 prisons cubaines, publiées par l’OCDH, nous pouvons présenter cette carte des principales prisons du pays. En raison du manque d’accès aux informations officielles, il n’a pas été possible de localiser géographiquement toutes les prisons, ni de fournir des données complètes sur les personnes détenues.
Soucieux de camoufler son harcèlement de la dissidence, le gouvernement cubain juge la plupart de ses opposants au titre du droit commun, de sorte qu’il peut ensuite déclarer qu’il n’y a pas de citoyens emprisonnés pour avoir exercé la liberté d’expression sur les réseaux sociaux, mais pour ne pas avoir payé les amendes infligées pour avoir partagé des contenus critiques, par exemple. Toutefois, ils ont prononcé de lourdes peines pour « sédition », notamment après les manifestations du 11 juillet dernier, ou pour des délits présumés contre la police politique, la Sécurité d’État (des cas qui ont clairement une charge politique). Grâce à la base de données de Prisoners Defenders, « CubaNet » montre en vertu de quelles délits les prisonniers politiques et les prisonniers de conscience sont détenus sur l’île : troubles de l’ordre public, outrage, agression et sédition sont les charges les plus courantes pour lesquelles ils sont poursuivis.
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Source : https://www.cubanet.org/destacados/desde-1959-hay-mas-prisiones-que-universidades-en-cuba/
Traduction : Floréal Melgar.
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