Le 9 novembre dernier, Denis Solís González, un jeune musicien cubain, était arrêté violemment par des membres de la police politique, la Sécurité d’Etat. Le 11 novembre, il passait en jugement et se voyait condamné à huit mois de prison ferme pour « outrage » envers les autorités, et aussitôt incarcéré à Valle Grande, une prison de haute sécurité située dans la banlieue havanaise. Cette histoire d’outrage est communément avancée par le régime dictatorial pour sanctionner les dissidents qui usent d’une liberté d’expression, interdite à Cuba, sur les sites d’opposition et les réseaux sociaux. Et l’on sait qu’il ne faut pas grand-chose aux représentants du régime pour se sentir « outragés ».
Dans le cas de Denis Solis, la police politique a fait irruption dans sa demeure sans aucune justification. Denis Solis a demandé des explications et un document officiel justifiant cette intrusion, mais les policiers ne lui ont rien fourni. L’un d’eux a simplement enregistré sur son téléphone les protestations et les quelques injures lancées par Denis Solis, ce qui s’explique lorsqu’on pénètre de force dans votre domicile. Deux jours plus tard, ce dernier était accusé d’outrage.
Le 16 novembre, quatorze membres du Mouvement artistique San Isidro* (MSI) se regroupaient au siège de cette association, à La Havane, et certains d’entre eux entamaient une grève de la faim, en soutien à Denis Solís González, pour exiger sa libération. Deux des protestataires, Luis Manuel Otero Alcántara et Maykel Castillo « Osorbo », se lançaient même dans une périlleuse grève de la faim et de la soif. Ces opposants à la dictature en profitaient également pour avancer d’autres revendications, comme évidemment le droit à la liberté d’expression mais aussi la fermeture des boutiques de paiement en dollars, fréquentées par les privilégiés du régime et bien mieux achalandées en produits de toute sorte que celles destinées au petit peuple, où l’on paie en pesos cubains.
Dans un premier temps, la police politique a empêché toute visite et tout soutien sur place aux membres du MSI, bouclant le quartier où ils se trouvent. Le 19 novembre, l’endroit où sont regroupés les grévistes de la faim et protestataires a fait l’objet d’une attaque avec jet d’acide à l’intérieur des locaux. Un rassemblement de soutien dans un parc proche a été empêché par la Sécurité d’Etat, omniprésente. Des correspondants de la presse étrangère ont été agressés, dont, semble-t-il, la représentante de l’AFP.
En Amérique latine, des soutiens se sont manifestés. Deux cent trente artistes et intellectuels de Cuba, du Mexique, d’Argentine, du Venezuela, de Colombie, du Chili, d’Espagne, du Brésil et des Etats-Unis ont signé une lettre ouverte demandant que soit libéré le jeune Denis Solís González afin de mettre fin au danger qui guette les grévistes de la faim et de la soif. Ici, en France, seul le journal Ouest France, dans son édition du 21 novembre, a rendu compte de ce qui se passe actuellement dans la capitale cubaine. Et Olivier Dabène, invité ce matin sur France Culture pour parler de la situation à Cuba, y a fait allusion. A part cela, c’est comme d’habitude le silence total. De son côté, Amnesty International avait publié un communiqué, le 20 novembre, dénonçant une fois de plus les « assauts persistants » du régime contre la liberté d’expression sur l’île.
Au moment où j’écris ces lignes, l’état de santé de Luis Manuel Otero Alcántara et Maykel Castillo « Osorbo » a bien sûr commencé à se détériorer. Ce dernier a cessé sa grève de la soif, mais après cinq jours de grève de la faim tous deux connaissent de sérieux problèmes rénaux. La Croix-Rouge internationale a été sollicitée par les amis des grévistes, mais jusque-là aucun contact n’a été pris avec eux par cet organisme.
Il convient de faire savoir ce qui se passe à La Havane si l’on veut que soit évitée une nouvelle tragédie dans la lutte que mènent des individus courageux contre une dictature criminelle.
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* Il s’agit de Luis Manuel Otero Alcántara, Maykel Castillo « Osorbo », Esteban Rodríguez López, Omara Ruiz Urquiola, Yasser Castellanos, Adrián Rubio, Osmani Pardo Guerra, Iliana Hernández, Oscar Casanella, Jorge Luis Capote, Anyell Valdés Cruz, Niovel Abu Alexander Tamayo, Anamely Ramos et Katherine Bisquet.
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