Après trente-quatre années de présence au micro de RL, les animateurs de l’émission « Ça urge au bout de la scène », consacrée à la chanson non crétinisante, ont décidé de mettre fin à l’aventure, lundi 16 décembre. Une fois de plus, comme cela a été le cas pour bien d’autres animateurs de cette station, cette décision n’a pas été prise de gaieté de cœur, mais résulte d’une gestion lamentable des problèmes survenus récemment au sein de RL.
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Rappel des faits
Le 23 septembre dernier, au cours de l’émission « De la pente du carmel, la vue est magnifique », l’un des animateurs tient, sous couvert d’humour, des propos navrants relevant d’un antisémitisme « décomplexé ». On apprendra un peu plus tard que ça n’était pas là le premier « dérapage » opéré dans le même registre au sein de cette émission. Les propos tenus à l’antenne, rapportés et dénoncés lors d’une assemblée générale des animateurs de RL, offrent alors au secrétaire perpétuel de RL, l’ineffable Philippe Raulin, d’affirmer qu’il n’est en rien choqué par lesdits propos et qu’il ne doit pas y avoir de tabous. Mais les protestations au sein de la Fédération anarchiste (FA) sont telles que cela va obliger le secrétariat, demeuré silencieux sur cette affaire durant sept semaines, à finalement supprimer l’émission incriminée de la grille de programmation. Le secrétariat radio publie alors un communiqué informant de cette décision, précisant même que tous les animateurs de « La pente du carmel » ont été évincés.
L’affaire ne s’arrête pas là
Mais les protestations vont continuer au sein de la FA car l’un des animateurs dérapants, apparemment celui qui a tenu les propos détestables à l’antenne, ce qui est nié par certains, collaborait depuis deux ans environ à l’émission précédant « La pente du carmel », à savoir « Ça urge au bout de la scène », et continuait à y participer, rendant le communiqué mensonger.
Là encore, le secrétariat radio va prendre son temps pour enfin, plus d’un mois après le premier communiqué, se manifester. Le 12 décembre, en effet, les animateurs de l’émission « Ça urge au bout de la scène » recevaient un courriel, nouveau chef-d’œuvre de bureaucratie, signé du prénom de la secrétaire générale de la FA s’exprimant « pour l’ensemble du secrétariat ». Cet « ensemble », précisons-le, désigne ici deux personnes sur les quatre postes que compte théoriquement le secrétariat radio, deux de ces postes n’ayant pas été pourvus lors du dernier congrès de la FA. Sur ces deux personnes, rappelons-le encore une fois, l’une est cette belle âme qui, en assemblée des animateurs, avait justifié les propos minables tenus à l’antenne et qui, plutôt que de se solidariser avec ceux qu’ils défendaient, va au contraire participer à leur éviction et rester au poste qu’il occupe, officiellement ou par prête-noms, depuis plus de vingt ans.
Dans ce mail, la secrétaire générale de la FA et le secrétariat radio ne demandent aucunement à rencontrer la personne mise en cause ni les animateurs de « Ça urge au bout de la scène » pour évoquer le problème, mais exigent de ces derniers qu’ils virent l’animateur controversé de leur équipe. Les trois mandatés FA leur demande donc de faire le sale boulot à leur place, de virer le gars qu’ils connaissent depuis depuis plus de trente ans, qui les côtoie depuis deux ans chaque semaine dans le studio, avec qui ils ont peut-être noué de forts liens d’amitié, quelle que soit cette personne et quoi qu’elle ait fait. Sur le plan de la procédure organisationnelle, il y aurait déjà beaucoup à dire, mais au-delà de ça, sur un plan purement humain, le procédé est franchement dégueulasse.
Il est évident qu’en cas de refus d’obtempérer l’émission « Ça urge… » eût été fortement menacée de disparition. Ses animateurs ont donc préféré prendre les devants en refusant le chantage du secrétariat et en annonçant lundi dernier, je suppose avec tristesse, qu’ils mettaient fin à leur présence à l’antenne.
Une gestion lamentable
Lorsque a éclaté l’affaire* des « youp’… euh… des juifs » promis au « zyklon », au cours de l’émission du 23 septembre, avec les protestations qu’elle a suscitées, sans doute y avait-il moyen de rappeler d’abord gentiment mais fermement à tous les animateurs radio les quelques principes élémentaires dont se réclament les anarchistes en matière d’antiracisme. Une motion sur l’antisémitisme, en particulier, qui pourrait fort bien être affichée dans le studio, n’a-t-elle pas été adoptée assez récemment lors d’un congrès FA ? Ensuite, les animateurs de « La pente du carmel » auraient évidemment dû être convoqués illico par le secrétariat radio afin de s’expliquer. D’autant qu’avant leur prestation minable du 23 septembre ils s’étaient déjà illustrés à l’antenne avec une prétendue recette de cuisine invitant à utiliser « des fours allemands (les meilleurs), sur thermostat juif ». Peut-être auraient-ils pu alors se livrer à un mea culpa et renoncer à l’avenir à leur « humour » gestapiste. Evidemment, les propos tenus en assemblée par le secrétaire perpétuel de RL ne furent pas de nature à apaiser la situation et ne pouvaient, au contraire, comme le très long silence du secrétariat qui a suivi, être perçu par les animateurs de « La pente… » que comme un soutien inespéré à même de les conforter par la suite dans leur attitude de victimes d’une censure odieuse.
Car de mea culpa il n’y eut point. Il faut avoir entendu la lecture du texte d’adieu assez indigne des animateurs de « La pente… », sur RL, pour mesurer à quel point ils ne regrettaient absolument rien de leurs propos qui, à en croire ces faux-culs, relevaient de l’anticléricalisme. L’émission fut donc supprimée, et ses animateurs prétendument « remerciés ».
Survient alors le nouveau « scandale » de la présence continue de l’un de ces animateurs dans l’émission « Ça urge au bout de la scène ». Présence qui laisse de marbre le secrétariat radio, mais qui est dénoncée au sein de la FA par des militants.
Là encore, c’est d’abord le silence qui prime – plus d’un mois – avec l’absence totale de réponses aux messages des adhérents FA. Puis, sans que personne parmi les mandatés n’ait cherché pendant tout ce temps à les joindre ou mieux encore à les rencontrer, les animateurs de cette émission reçoivent le fameux courriel les enjoignant de se débarrasser eux-mêmes de l’individu gênant. Ce qui, dans les faits, ne pouvait que signer l’arrêt de mort de cette émission, ses animateurs ayant en effet, eux, contrairement à la secrétaire générale de la FA et au secrétariat radio, une certaine idée de la dignité. Tout cela est consternant de bureaucratisme, d’incompétence, de lâcheté.
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* Parenthèse : si les propos à caractère antisémite proférés au micro de RL avaient été tenus ailleurs que sur cette antenne, il y a fort à parier que certaines organisations œuvrant dans le domaine de l’antiracisme, ou le CSA lui-même, auraient réagi violemment et peut-être même porté plainte. L’indifférence totale, en dehors du microcosme libertaire, que l’on a pu remarquer autour de cette affaire ne saurait mieux faire comprendre à quel point RL ne pèse plus d’aucun poids sur la bande FM. Il peut se dire tout et n’importe quoi sur cette antenne, jusqu’à des « plaisanteries » sordides sur les juifs, tout le monde s’en fout. Les militants FA en ont-ils conscience ?
Triste constat.
Ah Dieu ! que le monde est joli !
Totalement d’accord !
Les membres de FA ne pourront pas dire qu’ils ne savaient pas !
Autant je suis soulagée de la disparition de « La Pente du carmel », autant je suis désolée que ça ait abouti au départ de « Ça urge au bout de la scène ». Précisions : ce n’est pas seulement un, mais plusieurs animateurs qui tenaient des propos racistes. Pas seulement contre les Juifs, et pas seulement sous couvert d’humour. Et pas une fois de temps en temps, mais régulièrement et depuis des mois.
Comment peut-on nier que ces propos étaient racistes, quand on n’est pas soi-même raciste ? Nulle part dans leur communiqué, les animateurs de « Ça urge au bout de la scène » ne citent les propos en question : peut-être n’ont-ils jamais écouté « La Pente du carmel » ? Ou s’ils ont écouté, ils ont refusé de comprendre, refusé de croire qu’ils avaient pu nouer des liens avec des racistes ?
A propos de l’exclusion de l’émission « Intifada », Laurent et moi avons expliqué dans notre propre émission comment nous avons défendu un raciste, parce que c’était un copain.
« Comment peut-on en arriver à relativiser et banaliser des choses auxquelles on est pourtant opposé par principe ? »
[audio src="http://anarchistes-ivry.forlogaj.tk/data/documents/emissions/lundi-matin/2018/lundi-matin-2018-10-22.mp3" /]
Encore aujourd’hui on ne comprend pas cet aveuglement. Et puis JF Lymphâm ne pouvait pas être antisémite « puisqu’il avait un copain juif ». Même s’il avait dit : « Mon antisémitisme est un antisémitisme social » (car tous les Juifs seraient de riches patrons…). Un dérapage, certes regrettable, mais qui ne fait jamais d’erreurs ? etc.
Comme ça a fini par nous arriver au sujet de Lymphâm, j’espère qu’un jour les écailles leur tomberont des yeux et que « Ça urge au bout de la scène » reviendra sur Radio libertaire.
Pour l’instant aucune allusion à leur disparition sur le site officiel de Radio libertaire. Mais Nicolas (« Lundi matin », groupe libertaire d’Ivry…) en parle sur la page d’info de son podcast (celui du site officiel de Radio libertaire est HS depuis le 15 novembre), avec un lien pour écouter leur communiqué :
https://www.anarchiste.info/radio/libertaire/actualite/2019.html#actu14
Il annonce aussi les nouvelles émissions, exemple :
Émission antifasciste les 4e mercredis du mois de 17 h à 18 h 30 à partir du 25 décembre 2019.
Tout cela prouve (voir événements précédemment évoqués) par A + B que la rotation des tâches est ABSOLUMENT vitale. La sclérose et la bureaucratisation des organisations est INÉVITABLEMENT le prix de l’incapacité à s’en assurer. Les « œuvres », d’outils pour tous deviennent alors institutions, et tout anarchiste sait – et c’est pour cela qu’il est anarchiste (et pas seulement anticapitaliste) ! – que l’institution c’est le pouvoir.
On peut sérieusement se demander s’il y a encore des militants à la FA. Des adhérents vaguement intéressés par ce qui s’y passe et installés dans leur léthargie, sans doute, mais des militants conscients du désastre ?
Comment est-il possible qu’ils laissent agir plus longtemps ce fossoyeur aux pratiques staliniennes, et sa fille prête à prendre la relève ? C’est incompréhensible.
Je ne pense pas que la solution soit la rotation des tâches. D’abord parce qu’en un an des mandatés mal intentionnés et/ou incapables ont largement le temps de commettre des dégâts irréparables.
Ensuite parce que comme l’a dit Floréal, en cas de réticences des fédérés, comme ça a été longtemps le cas en raison de la casserole « Riposte laïque » http://luftmenschen.over-blog.com/article-radio-courtoisie-en-direct-sur-89-4-fm-39204054.html il est toujours possible de présenter des prête-noms au congrès. Il y a quelques années, il y a eu des oppositions à la candidature de Camille. Le poste de secrétaire à la programmation est resté vacant. Les trois autres mandatés, des prête-noms inconnus de l’ensemble de la FA, ont tout simplement… coopté Camille pour remplir ce poste vacant, dès leur retour du congrès ! Une autre magouille consiste à proposer le candidat souhaité au poste de secrétaire général. Le secrétaire général est censé remplacer les mandatés manquants. Donc admettons que deux mandats à la radio ne soient pas pourvus au congrès, il ou elle prendra automatiquement ce poste.
La seule solution aux problèmes d’abus de pouvoir serait surtout que les fédérés soient toujours prêts à s’opposer à ces abus. Ce qui demande du temps et de la volonté – la volonté de s’informer, éventuellement de se faire insulter, menacer, à subir des représailles, car certains assoiffés de pouvoir sont prêts à tout pour conserver leurs prérogatives.
C’est comme ça que ça devrait fonctionner à la FA, à Radio libertaire, c’est aussi comme ça que ça devrait fonctionner en société libertaire. L’anarchisme ne repose pas sur la confiance aveugle dans des « responsables ».
Le site du « Monde libertaire » a publié ce texte d’un autre membre de la FA. Il m’a semblé que ça remettait les choses au point, face à tous ceux qui nous jouent le grand air de la liberté d’expression des racistes. Racistes qui restent d’ailleurs tout à fait libres d’aller vomir sur les Juifs, mais ailleurs que sur Radio libertaire.
« Lettre ouverte à un connard
17 décembre.
Manifestation contre la réforme des retraites. Je suis avec mon drapeau de la FA sur une place toulousaine en attendant la constitution du cortège unitaire avec les libertaires. Tu t’approches, l’air curieux.
– Vous êtes du groupe Libertad de la FA ?
Je me dis que tu n’es pas un curieux ordinaire car le groupe Libertad s’est constitué depuis moins d’un an et a eu très peu d’activité publique. Il faut déjà avoir une sacrée connaissance des réseaux internet pour avoir repéré notre existence.
– Oui. Tout à fait.
– Je ne suis pas d’accord avec votre signature d’un communiqué.
Vu que nous n’avons pratiquement rien signé pour l’instant je tombe des nues. Et je te demande :
– De quel texte parlez-vous ?
– A propos de « La Pente du carmel ». C’est une émission que j’écoute depuis des années sur Radio libertaire.
– Vous voulez dire sur notre positionnement, avec d’autres groupes de la F.A., réclamant la suppression immédiate de cette émission pour des propos antisémites ?
– C’est bien cela. Ce ne sont pas du tout des antisémites. C’est de l’humour et vous n’y comprenez rien.
Bien que n’écoutant pas du tout cette radio parisienne, je suis au courant des propos qui y ont été tenus. Je rappelle, je cite de mémoire :
« Bon j’vais m’faire un rabbin / Là -bas chez les Youps’/ chez les juifs / le ministre de l’éducation est un rabbin qui défend les thérapies de conversion pour les homos / Moi j’veux la mort pour ces gens-là / du Zyklon. »
Tout le monde rigole autour de la table, dans le studio de la Radio libertaire.
Et te voilà rapidement en train de me souffler que toi qui est un vrai anarchiste
1° Tu te moques de notre moralisme
2° Tu ne participes pas à une manifestation syndicale
3° Que nous sommes au cul des gauchistes (en désignant le drapeau de l’UCL)
4° Que Libertad (Albert) lui était un vrai anarchiste individualiste.
Et tu me demandes de répercuter ton opinion auprès de mes camarades.
Ce que je fais. Je n’ai effectivement pas cet humour.
Comme je n’ai aucun sens de la repartie, je t’ai laissé partir avec ton dernier mot, fier de ta suffisance de petit-bourgeois à la Dieudonné. Avec mon père déporté à Mauthausen, avec Anna dont toute la famille a été gazée à Maïdanek, avec tous les disparuEs. Je ne suis pas de ta génération, connard, et je sais le mal que fait cet humour-là. Mais si tu crois être un vrai anarchiste parce que tu aimes l’humour antisémite c’est que tu n’as aucune idée de la souffrance de l’autre. Donc tu n’es pas seulement un connard, tu es un fasciste !
Caillou »
Pour avoir écouté, entre autres, cette émission « De la pente… » au début des années 2000, il me semble qu’il y avait déjà de la part d’un certain animateur des propos plus que lamentables et en rien libertaires, faisant dans le cynisme haineux. Raison pour laquelle j’ai arrêté de l’écouter, c’était devenu insupportable.
Sans vouloir ajouter de l’huile sur le feu, il y en a eu d’autres de très bonnes émissions passées sur RL, supprimées du fait de méthodes bureaucratiques et de copinages organisationnels/idéologiques. L’histoire se répète sous d’autres formes.
Puis quand il m’arrive d’écouter certaines émissions de cette radio et que j’entends des propos marxistes assumés, ça me pose question sur ce que devient cette radio. Mais cela ne me regarde plus depuis bien longtemps. Un ex-auditeur.
C’était pas le professeur Dupont d’Isigny (le François participant à Ça Urge au Bout de le Scène) qui tenait les propos antisémites dans la Pente du Carmel mais un dénommé Cédric de la Trique, un type très agressif et foncièrement pas drôle. Bien sûr les autres auraient dû réagir, tolérer c’est cautionner implicitement. Mais ils ont voulu préserver leur collectif avec les conséquences qu’on sait. Et c’est dommage, car hormis ces saillies dégueulasses l’émission parvenait souvent à être drôle, voire spirituelle. Ça leur pendait au nez depuis des années (oui, c’était récurrent) et je ne pouvais qu’apercevoir l’issue de ce comportement, de cette obsession destructrice de de La Trique. Cette violence crue de sa part me dépassait, et il m’arrivait fréquemment d’éteindre mon poste après une de ses sorties qui ne prenait même plus la peine de se déguiser en plaisanterie. Ce n’était pas drôle, et c’est presque aussi impardonnable. Je ne crois pas que les autres soient de mauvais bougres. D’Isigny était un type nuancé, érudit, avec un flegme un peu britannique, s’énervant rarement. Ses interventions dans Ça Urge étaient pertinentes. Ils auraient dû recadrer leur camarade et en conséquence ont sacrifié l’émission. Renforçant davantage l’affirmation évidemment fausse qui prétend que les anars n’ont pas d’humour…
Exemples de propos « nuancés et érudits » :
— (d’isigny) Pour faire un far breton […] Vous mettez au four (de préférence un four allemand : c’est les meilleurs…)
— (de la trique) Sur thermostat juif !
— (mari de jeanne) Avec du zyklon B, non ?
— (frère ox) Un incendie dans une école coranique.
— (d’isigny) Est-ce qu’il y avait des petits enfants dedans ?
— (frère ox) Vingt‐six.
— (d’isigny) Il en reste combien ?
— (frère ox) Zéro.
— (d’isigny) Oh oh oh ! Là c’est bien ! On jubile !