Je viens d’ajouter deux verrous à ma porte. Je ne sors plus de chez moi. J’ai transmis aux amis qui souhaitent me rendre visite un mot de passe, indispensable à qui veut franchir le seuil de ma tanière. Je leur ai d’ailleurs fortement déconseillé de m’approcher s’ils ne veulent pas être inquiétés. J’ai peur pour eux. J’ai peur pour moi.
Fidèle à une certaine tradition pamphlétaire, qui fait de l’ironie une arme nécessaire face à l’excès de bêtise épaisse et aux dérives militantes fanatiques, je me suis laissé aller sans réfléchir, sur les réseaux sociaux, à prendre parfois des distances avec le mouvement des Gilets jaunes et certains de ses aspects nauséabonds : la beauferie homophobe et sexiste, l’antisémitisme et la xénophobie, son penchant pour le tricolore national et la gueularde Marseillaise, entre autres. Bref, malgré les propos et écrits débordant d’espoir révolutionnaire de certains camarades, convoquant illico 1789 et Barcelone 36, il m’a semblé possible, et même souhaitable, d’affirmer que ce mouvement n’était pas « complètement à mon goût ».
Dans la chaleur de mon confort nécessairement petit-bourgeois, j’avais oublié que ce type d’événement charrie invariablement son lot de Fouquier-Tinville et de commissaires politiques en devenir.
Le site « Paris-luttes.info » est venu fort heureusement m’avertir à temps du sort qui m’est promis en publiant un texte intitulé « Quand le vent tournera », repris d’une page Facebook pro-Gilets jaunes du nom fort opportunément bien choisi de « Cerveaux non disponibles ». Dans cet écrit, un message est tout spécialement destiné aux non-Gilets jaunes 100%. Je vous laisse le lire, le temps de boucler mes valises :
« Mais le vent tournera. Et quand les cendres de la lutte s’envoleront pour laisser entrevoir le soleil, nous ne resterons pas bouche bée et bras croisés à se satisfaire de ce nouvel horizon. Non, nous seront (sic) assez lucides pour regarder derrière et ne pas oublier les corps meurtris qui joncherons (re-sic) le chemin emprunté. Et nous demanderons des comptes. Nous demanderons justice. Les coupables seront jugés.
Mais nous nous souviendrons aussi des complices de ce drame, ceux qui, par leur position sociale, par leur statut public ou par leur influence politique, auraient pu et auraient dû s’indigner et s’insurger contre la politique anti sociale et anti démocratique mise en place par le pouvoir actuel. Ne pas prendre position est désormais un soutien aux dérives autoritaires du pouvoir. Que les associations, syndicats, ONG, collectifs, artistes, journalistes, philosophes, professeurs, avocats et autres citoyens prennent leur responsabilité. Que vous n’ayez pas compris l’essence du mouvement, ou que vous n’en validiez pas la légitimité idéologique ne vous exonère pas de voir la vérité de la dérive autoritaire et anti démocratique du pouvoir. La nier ou la cacher sous prétexte que le mouvement n’est pas totalement à votre goût vous rendra définitivement complice, et ce, jusqu’à la victoire du mouvement. Et même après. »
J’ai peur
18 janvier 2019 par Floréal
Nature enflammée… combien de douches froides ? Si l’élan de construction libertaire était aussi fort que l’élan autoritaire de vengeance et de haine, nous avancerions très vite !
Pas d’affolement. Après tout y’en a pas un sur mille…
Ce jargon velléitaire et complètement abs… con me rappelle les discours ronflants des mêmes (ou presque) en Mai 68.
Devant des menaces de cette eau-là (du niveau « Je sais où habite ta mère »), je ne suis pas rassuré non plus : je vais m’empresser de perdre mes cheveux de peur qu’on ne me les rase dès le matin du grand soir !
Moi c’est fait Michel !
« … Auraient dû s’indigner… », « Ne pas prendre position est désormais un soutien aux dérives autoritaires du pouvoir ».
Donc si je comprends bien, il ne suffit pas de prendre position, faut en plus prendre la bonne.
C’est celle-là ma principale réserve sur ce mouvement (que je soutiens quand même un peu), cet autoritarisme merdique, qui se retrouve un peu partout, par petits bouts.