L’AFFAIRE FONTENIS
(suite)
L’homme qui, à Paris, fut la cheville ouvrière de la reconstruction de la Fédération anarchiste fut Henri Bouyé. Bouyé le mal-aimé ! Bouyé un garçon intelligent, capable et extrêmement dévoué à la cause anarchiste ; mais il gâtait tout par un sectarisme étroit et une espèce de sécheresse qui dressait un mur entre lui et ses interlocuteurs. Il fut le maître d’œuvre d’une brochure, Les Anarchistes et le programme social, destinée à relancer notre mouvement. Je viens de la relire ; elle ne manquait pas de qualités, cependant elle sera mal reçue par bon nombre de nos camarades de province, plus pour les sentiments qu’inspirait son auteur que pour ses défauts. Cependant, le véritable ordonnateur de notre nouvelle organisation fut Georges Vincey. Vincey, ancien ouvrier du bâtiment, s’était reconverti dans la frivolité et confectionnait des colifichets dans un petit atelier où il employait deux ouvrières. Ça lui vaudra un certain nombre d’ennuis de la part des « purs » fouille-merde et propres à rien qui passaient le plus clair de leur temps assis sur un siège dans la boutique du quai de Valmy à dire du mal de leur prochain ! Et c’est autour de ces deux hommes qu’après des années de silence tout repartit !
Dans un mouvement qui s’était promis de se reconstruire en tenant compte des enseignements du passé, les mêmes clivages se reproduisirent, certains à l’extérieur, d’autres au sein même de la Fédération anarchiste. Les courants classiques se reconstituèrent autour des grandes tendances de l’anarchie mais également autour des hommes.
En dehors du mouvement, un groupe individualiste qui ne devait pas grand-chose à Stirner ou à Thoreau se regroupa autour d’Armand. Il constituait un milieu qui vivait sur lui-même. Les problèmes sexuels étaient sa préoccupation dominante. Ce qui restait du syndicalisme révolutionnaire rescapé de l’aventure de la C.G.T.S.R. et de l’Occupation se reconstituait en tendance organisée au sein de la C.G.T. avec Pierre Besnard, auquel les événements n’avaient rien appris, et qui était toujours à la recherche d’une centrale syndicale dont il serait le dirigeant principal, réminiscence de son court passage à la direction de la C.G.T.U. après la scission syndicale de 1921. Enfin, autour du journal Ce qu’il faut dire, créé par Sébastien Faure, dont ils avaient repris le titre, Louis Louvet et Simone Larcher. Leurs rapports avec la Fédération anarchiste furent toujours ambigus. Ils y appartenaient sans y appartenir. Louvet avait des qualités mais un défaut malheureux les gâchait toutes. Il n’arrivait jamais à mettre en œuvre les projets multiples qui foisonnaient dans son cerveau inventif. Quant à Simone, pour laquelle j’avais beaucoup de sympathie, elle eût pu, si les choses s’étaient déroulées autrement, être la grande dame de l’anarchie de sa génération. Mais eux aussi avaient tendance à former un milieu susceptible de procurer quelques agréments à la vie difficile qui renaissait. L’incompatibilité de caractère entre Bouyé et Louvet, et peut-être également une certaine rivalité entre Le Libertaire et Ce qu’il faut dire, qui se partageaient une trentaine de milliers de lecteurs, détruisirent les bonnes résolutions qu’avait prises ce qui restait de militants dans Paris et sa banlieue.
Ce clivage à l’extérieur et en opposition feutrée avec la Fédération anarchiste, on le retrouvait à l’intérieur du noyau qui se constitua et qui forma le cœur de l’organisation à Paris. On trouvait autour de Bouyé des communistes libertaires décidés à structurer l’organisation de façon à ne plus connaître les mésaventures du passé. On y rencontrait des individualistes, tel Vincey. Lui était partisan de la responsabilité individuelle entre les congrès et il dota notre mouvement de structures dont certaines subsistent encore. Des militants comme Oriol venaient du marxisme et n’avaient pas encore assimilé les théoriciens de l’anarchie. D’autres, comme Suzy Chevet, venaient du Parti socialiste. Des syndicalistes, des pacifistes, mais surtout des camarades qui avaient plus ou moins bien assimilé les grands courants de notre pensée et qui appuyaient l’un ou l’autre à partir de circonstances, grossissant l’un en affaiblissant l’autre au hasard, ce qui jurait avec la logique et introduisait cette sainte pagaille qui fut souvent la seconde nature des anarchistes. Et puis il y avait les « intellectuels »…
Les dynasties révolutionnaires, ça existe ! Je n’ai rien contre. Mais je ne suis pas persuadé des vertus de l’hérédité sur ce plan-là ! Giliane Berneri était la fille de son père et la sœur de sa sœur, mais il n’était pas évident qu’elle possédait les mêmes qualités que ceux-ci. Elle terminait des études de médecine que les gens dans le secret qualifiaient de brillantes. Cela lui donna, parmi nous, une autorité qui me parut exagérée et que l’avenir ne justifia pas. Avec quelques autres universitaires « grand format », elle formait un collège de gens de savoir qui sortirent une revue, Plus loin, titre repris du docteur Pierrot, de fâcheuse mémoire. Ça n’ira pas loin et ça ne volera pas haut. Plus tard, un autre authentique intellectuel celui-là, André Prudhommeaux, les rejoindra. Enfin, il y avait votre serviteur qui sortait de prison ! J’étais heureusement le seul de l’équipe dans cette situation ! Je ne m’attarderai naturellement pas sur mon cas, sinon pour signaler que dès mon arrivée je pris la région parisienne en main, en répartissant la centaine de militants qui la composait en trois groupes qui furent les groupes de l’Est, le groupe du Sud et le groupe de l’Ouest ! Le premier se morcela assez rapidement, le second prit le nom de groupe Kronstadt et s’installera dans le quarter des Ecoles. Il aura comme animatrice Giliane Berneri. Le groupe de l’Ouest deviendra le groupe Louise-Michel, s’installera à Montmartre et aura à sa tête une organisatrice incomparable : Suzy Chevet. Au groupe Kronstadt il y aura du « beau monde », au groupe Louise-Michel il y aura « beaucoup de monde ».
Le tableau serait incomplet si je n’ajoutais pas que les groupes se multiplièrent, que les jeunes affluaient et refluaient, qu’on refaisait le monde avec entrain, qu’on s’engueulait avec conviction et que les éclats de voix rendaient le siège de notre mouvement à peu près inaudible au malheureux qui s’y risquait. D’ailleurs, il était immédiatement pris en charge, répertorié, et avant d’être dirigé vers un groupe qui lui conviendrait il était fermement poussé vers la porte, un paquet de Libertaire sous le bras, avec la recommandation impérieuse de rapporter la monnaie !
Je n’ai pas encore parlé des camarades de province que nous retrouverons par la suite. Nous avions alors peu de contacts avec eux, sinon par des camarades avertis, directement en relation avec le groupe de Bordeaux qui jouissait d’une grosse influence. Les frères Laisant organisaient un groupe à Asnières. Fortement influencés par Louvet et ses amis, ils étaient dans la région parisienne le reflet naturel des sentiments de nos amis de province, qui se méfiaient des lubies de Louvet. Ils ne joueront un rôle que plus tard, lorsque la Fédération anarchiste se constitua officiellement, au cours d’un congrès à la salle des Sociétés savantes.
Je conserve de cette période un souvenir merveilleux. Ce fut un monde un peu fou où la joie d’en avoir fini avec un cauchemar qui avait duré quatre ans se confondait avec la certitude que la révolution n’attendait plus que nous pour construire l’avenir. C’est dans ce milieu qui baignait dans l’exaltation des recommencements que Fontenis pénétra !
Georges Fontenis n’acquit que progressivement l’autorité qui lui permit de s’emparer de la Fédération anarchiste ! C’était un homme qui avait de la surface mais peu d’épaisseur ! Ce ne fut jamais un journaliste de grande stature et ses « œuvres complètes », en dehors de ses articles du Libertaire, d’abord peu nombreux, consistèrent en un Manifeste communiste qui ne passera pas à la postérité. Son discours, souvent monocorde, avait le souffle court. Il avait peu lu nos classiques, mais il n’était pas le seul dans notre mouvement ! Plus tard il entreprit de combler cette lacune en entrecoupant ses lectures de textes de Marx qui le marquèrent profondément. C’est dans le débat intérieur, à travers le cours magistral, que ses qualités se manifestaient le plus sérieusement ; c’étaient celles d’un instituteur habitué à faire la classe. A la vérité il avait à la fois les qualités et les défauts pour construire une carrière de fonctionnaire de l’Education nationale, ce qu’il fit par la suite.
Il ne deviendra « théoricien » que sur le tard, après la scission et alors que le journal sera devenu sa chose. Il suffit de lire la collection du Libertaire jusqu’en 1950 (je l’ai devant mes yeux sur ma table de travail) pour constater que sa contribution à l’occasion des événements quotidiens fut pratiquement nulle. Les quelques articles qu’il écrivit pour la troisième page de notre journal, page des « intellectuels », ne furent que des « remakes » des théoriciens qu’il avait bien fini par lire… mal dans la plupart des cas. Rien, par exemple, de comparable à la suite de textes de Prudhommeaux sur la Commune de Paris ou de cette série d’articles où, pour la première fois, je développais ma théorie sur la grève gestionnaire. Je me souviens, non sans malice je vous l’accorde, de cette séance du comité de rédaction de notre journal où, piqué par je ne sais quelle mouche, il entreprit de nous expliquer les vertus d’un ouvrage de Staline qui venait de paraître : La Linguistique, en le confrontant au marxisme et à l’anarchie ! Ce fut vraiment pour moi une franche rigolade, non seulement à en démêler les fils mais à voir la mine ahurie et les yeux ronds des militants devant ce pathos ! Mais alors, me direz-vous, d’où vint cette admiration incontestable que lui vouèrent certains militants, dont tous ne partageaient pas ses élucubrations et qui ne le quittèrent qu’à regret à l’instant décisif ?
Fontenis fut poussé à la tête de la Fédération par deux courants contradictoires. Il appartenait au clan des « intellectuels » et il leur était indispensable, car ses habitudes professionnelles lui permettaient de mettre un peu d’ordre dans leur verbalisme traditionnel, et envers lui la solidarité de ces personnages joua jusqu’à la fin, malgré les couleuvres qu’il leur fit avaler. Il rassembla autour de lui des jeunes sans formation, mais il est symbolique de constater que ceux qui étaient passé par la brillante école des Auberges de la jeunesse restèrent toujours allergiques à son « charme ». Il n’en fut pas de même pour certains militants venant tout droit des usines et authentiques travailleurs, formés par le syndicalisme, qui, à travers lui, crurent se hisser à la connaissance. Peut-être s’agissait-il là d’une attitude que j’ai souvent observée parmi les ouvriers qui fréquentent nos milieux. Cette connaissance qu’ils ne possèdent pas, ils répugnent à la reconnaître à l’un des leurs, car alors ils la ressentent chez autrui comme un reproche ! Ils préfèrent l’attribuer à un « intellectuel à parchemin qui lui a pu… a eu la chance… a eu le temps… a eu une situation de famille… etc. », comme s’ils étaient eux-mêmes responsables de la situation où la société qu’ils veulent abattre les maintient. Par la suite, et à part quelques imbéciles dont Joulin fut la plus vivante illustration, l’entourage de Fontenis, en dehors des « intellectuels », se composa de gens venus des partis politiques, dont les motivations restèrent douteuses et dont certains tournèrent mal !
On aurait tort d’imaginer que Fontenis s’imposa d’emblée parmi nous. Il possédait au plus haut point une roublardise doucereuse qui trompa son monde et servit à son ascension. Dès son arrivée parmi nous, il se montra attentif, serviable, tolérant. Un rassembleur, en somme, qui s’appuya successivement sur tous les militants dotés d’une parcelle d’influence. A cette époque où la Libération avait favorisé un afflux d’adhérents dans tous les partis de gauche, nous bénéficiâmes nous-mêmes de cet engouement qui ne dura pas. Nous avions besoin de militants pour inculquer à ces gens les rudiments de la pensée libertaire, et Fontenis fut employé à ce travail ingrat, lui qui, à cette époque, aurait eu plutôt besoin de s’asseoir sur un banc de la classe anarchiste. Mais dans l’administration du mouvement il ne joua aucun rôle, et il lui fallut attendre le congrès de 1945 pour qu’enfin il pénètre dans le noyau.
Au cœur du quartier Latin, à deux pas de l’Odéon, l’immeuble des Sociétés savantes jouait alors le rôle qui sera plus tard celui de la Mutualité. Le bâtiment était parsemé de pièces de toutes grandeurs qui servaient de sièges aux organisations hétéroclites nées de la Libération. Au rez-de-chaussée, une vaste salle de cinq à six cents places était réservée aux séances plénières et aux meetings politiques. C’est dans cette salle que se tint, au début d’octobre 1945 et en décembre de la même année, ce congrès puis cette conférence nationale qui marquèrent le départ de la Fédération anarchiste, « officiel » cette fois !
Ce premier congrès de la Fédération anarchiste de l’après-guerre m’a laissé un souvenir attendrissant. Des militants se retrouvaient qui n’étaient plus tout à fait les mêmes. D’autres, plus nombreux, faisaient connaissance, essayant de deviner à travers les visages s’ils pouvaient donner corps à l’impression qu’ils avaient ressentie à travers la correspondance nombreuse qu’ils avaient échangée avant de se retrouver ensemble dans ce quartier de la capitale chargée de gloire littéraire et révolutionnaire. On distinguait parmi eux des familles spirituelles bien distinctes : des anarcho-syndicalistes influencés par Besnard, qui était absent. Ils éditaient une feuille, Le Combat syndicaliste. Louvet et ses amis groupés autour de Ce qu’il faut dire. Des nouveaux, influencés par Bouyé qui était, lui aussi, absent, et rassemblés autour du Libertaire qui venait de reparaître dans un format normal. Dans le sillage d’Aristide Lapeyre et du groupe de Bordeaux, les provinciaux ! Ceux-ci, traditionnellement méfiants envers le « centralisme parisien », formaient un groupe compact, « pourri » d’humanisme et où se sentait l’influence de Sébastien Faure, disparu pendant la tourmente.
Aristide Lapeyre était un élève de Sébastien Faure dont il apparaissait comme le légitime continuateur. C’était un homme qui inspirait le respect et avait ce qu’il convient d’appeler une présence. A cette époque où les mass-media n’en étaient encore qu’à leurs balbutiements et où la parole du conférencier était l’élément essentiel de la propagande, c’était un remarquable orateur, au langage travaillé, à la diction parfaite, et qui étonnait par la construction classique du discours. Il fut l’un des derniers à considérer la conférence comme une œuvre littéraire et à la traiter comme telle. Avant, pendant et après la guerre d’Espagne, il avait fait preuve de courage chaque fois que l’occasion s’en était présentée. Il jouissait d’une réputation dans nos milieux qui s’étendait à l’échelle internationale, mais également parmi les militants des organisations qui, auprès de nous, menaient le combat sur le plan humaniste. J’ai eu pour lui une amitié qui ne se démentit pas, même si je l’ai toujours considéré comme un homme des anciens temps, égaré dans notre siècle ! Mon plus grand regret c’est de n’avoir pas pu, avant sa mort, enregistrer sa remarquable conférence sur Nietzsche. C’était un sage, reconnu par tous comme tel. Il combla bien des fossés qui séparaient cette cohue sympathique qui se rassemblait pour construire un monde nouveau. Mais sa propension à la « tolérance » lui fera commettre quelques erreurs.
Je ne décrirai pas les débats de ce congrès, je me réserve de le faire en son temps. Il suffit de savoir qu’ils furent houleux et qu’ils permirent à Fontenis de faire ses premiers pas sur le devant de la scène. Les délégués hurlaient, les orateurs gagnaient la tribune au pas de charge, le président, débordé, gesticulait pour se faire entendre car la sonorisation n’existait pas encore et seule une voix forte permettait de survoler le tumulte. Cette réunion des anarchistes rassemblés pour construire « une plate-forme raisonnable », dont chacun rêvait, menaçait d’éclater ! C’est alors que nous nous réunîmes à trois, Oriol, Lapeyre et moi-même, pour construire une espèce de monstre, « le Mouvement libertaire », qui ne devait vivre qu’une saison mais qui avait l’avantage de « geler » les problèmes. Il s’agissait de réunir sous ce chapeau trois groupes distincts destinés à collaborer : les anarcho-syndicalistes, les amis de Louvet et enfin la Fédération anarchiste chargée d’éditer Le Libertaire, appuyée par Lapeyre, le groupe de Bordeaux et leurs amis de province. Pour proposer ce « chef-d’œuvre » et le faire accepter il fallait un homme neuf n’ayant pas participé aux querelles de l’avant et de l’après-guerre. Fontenis fut choisi, et il s’acquitta parfaitement de sa tâche avec sur les lèvres le souffle de l’innocence. Et c’est ainsi qu’il se trouva projeté parmi nous avec l’auréole du conciliateur.
Cependant ce congrès ne fut pas négatif. La commission administrative dont il se dota se composait de médecins, de professeurs, d’instituteurs, de fonctionnaires, d’artisans, d’ouvriers métallurgistes, de gars du bâtiment, et les femmes étaient nombreuses parmi eux. A l’annonce de cette liste, un murmure flatteur s’éleva de la salle, soulignant l’heureux équilibre de cet aréopage, prélude à une harmonie qui, hélas ! ne dura qu’un matin. Un autre événement marqua ces assises. L’absence de Bouyé, qui les avait préparées, fit une fâcheuse impression. Et au soir de la séance, à laquelle il n’avait pas voulu assister, redoutant les attaques de ses opposants, lorsqu’il reprocha aux « unitaires », dont j’étais, d’avoir abandonné le projet d’une organisation plus structurée, des propos vifs furent échangés. En réalité, bien qu’un semblant d’unité fut indispensable pour démarrer, je savais où se trouvaient les militants susceptibles d’organiser solidement le Mouvement anarchiste ! Et, de fait, six mois plus tard, le groupe Louvet s’était volatilisé, les anarcho-syndicalistes ne se réveillèrent que lorsque la Fédération anarchiste se décida à les aider à constituer la C.N.T., et la Fédération anarchiste, avec son journal Le Libertaire, sera le seul représentant sérieux de la pensée anarchiste. Le « Mouvement libertaire » n’avait vécu que l’espace d’un matin. Son seul mérite avait été d’éviter l’éclatement.
Ce fut au cours des débats très vifs qui suivirent l’attitude de Bouyé que je fis connaissance avec Maurice Laisant qui, par la suite, joua un rôle important dans notre organisation… surtout après la scission, au moment de la reconstruction de notre Fédération anarchiste détruite par Fontenis et son équipe.
Maurice Laisant appartenait lui aussi à une dynastie se réclamant d’un humanisme libertaire. A Asnières avec son frère, sa mère et quelques amis, il formait un groupe qui avait joué un rôle appréciable dans le rassemblement des anarchistes à la fin de l’Occupation. Sa réflexion s’inscrivait dans la suite de celle de Sébastien Faure et d’Aristide Lapeyre. Son aspect physique correspondait assez à celui qu’on pouvait se faire d’un poète romantique échappé d’un salon où Elizabeth Duncan dansait et où on récitait des vers de Maurice Rostand autour de Rosemonde Gérard ! Je le classais tout de suite avec une pointe de malice que je regrette à chaque instant, bien sûr, dans la catégorie des anarchistes sentimentaux, qu’il ne faut pas confondre avec les anarchistes de luxe dont Charles-Auguste Bontemps fut la plus vivante illustration. Au premier abord, Maurice Laisant pouvait paraître frêle, mais cela trompait, car c’était un homme extrêmement résolu, tenace, un excellent orateur et une bonne plume. Son incompatibilité d’humeur avec Bouyé le rangera auprès de Louvet, qui ne le valait pas ! Il sera mon ami et il l’est resté, même si notre conception d’une organisation anarchiste est bien différente.
La conférence qui suivit ce congrès mit une dernière main à l’organisation de cette Fédération anarchiste et les militants dont je viens d’ébaucher quelques traits, Fontenis y compris, en furent les maîtres d’œuvre… parmi d’autres, bien sûr.
On pourrait penser qu’un tel attelage ne durerait qu’un matin. Il dura six ans sans autres secousses que celles, inévitables, qui bousculent tout mouvement politique, allant cahin-caha, soutenu par le succès qui accompagna son lancement, succès dû à l’afflux de nouveaux membres issus de la Résistance, à la qualité de son journal, au travail des militants dont le mérite était certain mais qui bénéficièrent d’une situation qui ne dura pas. J’ai raconté ça dans mon livre L’Anarchie et la vie quotidienne, je n’y reviendrai pas.
(à suivre…)
[…] https://florealanar.wordpress.com/2013/02/27/histoire-de-la-federation-anarchiste-2/ […]
[…] https://florealanar.wordpress.com/2013/02/27/histoire-de-la-federation-anarchiste-2/ […]