Les célébrations du 8-Mai ont fourni l’occasion aux médias de parler de la prison Montluc, à Lyon, où Jean Moulin fut enfermé durant un temps. Je voudrais à mon tour évoquer cet établissement pénitentiaire, mais pour une tout autre histoire.
Le 1er janvier 1941, cette prison militaire connut une mutinerie et l’évasion de quelques-uns de ses « pensionnaires », parmi lesquels figurait le militant anarchiste Maurice Joyeux. Cet événement fit l’objet d’un article à la une du journal Le Nouvelliste de Lyon, sous le titre « Rébellion à Montluc », mais toute trace de cet article fut supprimée dans la seconde édition de ce quotidien.
L’histoire de cette évasion a été écrite par Maurice Joyeux, l’un de ses acteurs, dans un livre savoureux* ainsi que de façon plus résumée dans ses Mémoires**. Je ne vais donc pas vous la raconter dans le détail, mais simplement rappeler une anecdote au sein de cette histoire, qui montre où peut mener le désir de liberté d’un côté et l’imbécile discipline de parti de l’autre.
Peu de temps avant le 1er janvier 1941, une idée d’évasion avait germé dans la pensée de Maurice Joyeux, qu’il confia à une poignée de proches parmi ses codétenus. Dans la prison se trouvaient également des communistes, parmi lesquels Lucien Sampaix, qui avait été avant-guerre directeur du journal L’Humanité. Les communistes détestaient copieusement les anarchistes, qui le leur rendaient bien. Aussi le groupe organisateur de l’évasion décida de ne prévenir les communistes qu’au dernier moment de leur intention, le matin même du jour où l’événement eut lieu.
C’est donc Maurice Joyeux qui se rendit dans le quartier des staliniens pour leur faire part de ce qui se tramait et les inviter à participer à l’évasion. Or, à l’époque, le pacte germano-soviétique, qui ne sera rompu qu’en juin 1941, est toujours en vigueur et le Parti communiste a interdit à ses militants emprisonnés toute tentative d’évasion. Quelques mois auparavant, en juin 1940, Maurice Tréand, sorte de ministre de l’Intérieur du PCF, avait entamé des négociations auprès des autorités allemandes pour obtenir l’autorisation de faire reparaître le journal L’Humanité. Lucien Sampaix, qui dominait le groupe des communistes de la prison Montluc, répondit donc à Maurice Joyeux qu’ils allaient en parler entre eux et fournir leur réponse plus tard, mais que celle-ci serait sans aucun doute négative. Et il ajouta sur un ton solennel : « Nous, c’est le prolétariat qui viendra nous délivrer. »
L’évasion organisée par Maurice Joyeux réussit le jour même. Lucien Sampaix, de son côté, était fusillé le 15 décembre 1941. Une rue de Paris porte son nom.
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* Mutinerie à Montluc, de Maurice Joyeux, éditions La Rue, Paris, 1971.
** Souvenirs d’un anarchiste, tome 1, de Maurice Joyeux, éditions du Monde libertaire, Paris, 1986.
Il faut dire que Maurice avait été arrêté quelques mois auparavant parce qu’il était réfractaire.
Cela ne semble toujours pas faire partie de l’histoire « officielle »…
Montluc c’est la prison de femmes de l’après-guerre où je fus enfermée 8 mois et demi durant en 1971 ! Jamais personne ne parle de ces droit-commun ni des antimilitaristes hommes qui y furent enfermés, Témoins de Jéhovah notamment. Claire.