Entre les deux tours des législatives, il n’aura été question que de deux choses : d’un côté, le score de la Nupes, présenté de manière invraisemblable comme une sorte de révolution, alors qu’on assistait simplement à un (petit) rééquilibrage du paysage politique classique droite-gauche, avec quand même une gauche assez faible en pourcentage ; de l’autre, le score à venir du camp macroniste et la question de savoir s’il aurait ou non la majorité absolue à l’Assemblée. Or le seul élément marquant, et inquiétant, dès le premier tour, c’était encore une fois la progression continue du Rassemblement national, ce que les résultats du second tour ont confirmé, mais qui n’a pas eu l’air d’inquiéter grand monde. On a préféré, en effet, abandonner la piste aux seuls Macron et Mélenchon, l’auguste et le clown blanc du cirque électoral.
Jour d’élection
Dimanche 19 juin au matin : la radio annonce 72% d’abstention en Guadeloupe et 74% en Martinique. Qu’à cela ne tienne, quelques personnages sont tout de même « élus » avec, en gros, 13 ou 14% des inscrits. Vous croyez qu’il s’en trouverait un parmi eux, un seul, pour dire « non, avec un tel score, je ne peux prétendre raisonnablement être élu du peuple » ? Ça aurait pourtant de la gueule, ça montrerait qu’on peut être à la fois candidat et digne.
Mais la dignité en politique…
17 heures : le taux de participation sur l’ensemble du territoire national est de nouveau en baisse par rapport au premier tour, déjà très marqué par une forte abstention.
Je zappe sur les chaînes d’info. A de rares exceptions près, tout le larbinat du journalisme politique y va de ses jérémiades, dans un ensemble touchant, sur cette « situation préoccupante », cette « inquiétude pour la bonne santé de notre démocratie ». Ce ne sont pas les diverses raisons qui amènent les citoyens à se détourner des urnes qui sont préoccupantes ou inquiétantes, non, c’est encore et toujours l’abstention. La propagande avait pourtant fonctionné à plein, avec force reportages au plus près du peuple et électeurs conscients de leur devoir rappelant que « nos anciens se sont battus pour ce droit* ».
20 heures : Macron marche à reculons, les fachos jubilent et « le téléphone pleure ».
Allô
Écoute, Emmanuel est près de toi ?
Il faut lui dire « Manu, c’est quelqu’un pour toi »
Ah, c’est le monsieur de la Nupes
Bon, je vais le chercher
Je crois qu’il est dans son bain
Oh dis-lui que j’ai mal
Si mal depuis cinq ans
Le téléphone pleure quand il n’appelle pas
Quand je crie « premier ministre »
Les mots se meurent dans l’écouteur
Oui, le téléphone pleure, ne raccroche pas…
(Claude François, pcc Floréal)
Après 20 heures : sur les plateaux télé, tout le monde a encore une fois plus ou moins gagné, tous les politiciens continuent d’asséner « les Français ceci… », « le peuple cela… », quand plus de la moitié de ces Français et de ce peuple (54%) les a superbement ignorés.
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* Outre que jamais aucun exemple n’est fourni de ce combat particulier des anciens pour le droit de vote, il est permis de répondre à ceux qui avancent cet argument que si tel a été le cas les anciens en question eussent mieux fait de se battre pour autre chose de plus exaltant.
Le vieux phénomène du troisième larron a très bien fonctionné.
60 % ( 54%d’abstentionnistes + 6% de non-inscrits ) des Français « majeurs » ne participent plus à la farce électorale. Cette large majorité de la population
s’oppose de facto légalement à une assemblée croupion.