L’homme échoué seul sur une île déserte dispose de pouvoirs élargis. Sa barbe à rallonge, son bivouac de fortune, ses repas frugaux cuits au feu de bois sur la plage et sa cabane en branches, s’ils peuvent paraître à première vue inconfortables sont pourtant les signes de sa liberté d’action et de choix. Contrôle de l’habitat, régulation de la chasse et de la pêche, politique agricole locale, travaux d’aménagement du territoire : il légifère selon sa volonté, omnipotent sur son lopin. Ses prérogatives sont claires et sans limites, aucune opposition pour entraver ses désirs ; il décide en maître de tout. Il est à la fois l’exécutif et le législatif, le policier et le judiciaire, le législateur et la loi. On sent pourtant qu’il peine à profiter pleinement de sa liberté souveraine ; pour preuve sa volonté déterminée de construire un radeau et d’envoyer sa flotte à la baille, alors que tant d’hommes au contraire rêvent toute leur vie durant d’avoir les pleins pouvoirs et de régir comme il a l’occasion ici de le faire. Or ne serait-ce pas justement notre chance ? L’opportunité de donner corps enfin à leur fantasme ? C’est pourquoi je propose qu’à compter d’aujourd’hui, dans l’intérêt de tous et aussi bien le leur, les candidats au pouvoir et à l’investiture soient envoyés derechef sur une île déserte où ils pourront dès lors exercer leur empire et donner libre cours à leurs pulsions de gouvernance, foutant par là-même la paix à ceux, et je les sais nombreux, qui se passeraient volontiers de les subir.
(Or je ne dispose en rien des pouvoirs d’un Robinson ; et nous aurons donc droit cette année encore à l’élection présidentielle.)
____________
Laisser un commentaire