Selon la presse, vous coordonnez les travaux de préparation du texte de réforme de la loi sur la mémoire historique de 2007, que votre gouvernement souhaite soumettre au Conseil des ministres avant la fin du mois afin qu’il puisse suivre son cours parlementaire à l’automne et d’approuver la nouvelle norme avant la fin de l’année.
Selon ces mêmes informations, les bases de ce texte sont les propositions de loi déjà présentées par le PSOE au Congrès et les « contributions » que nous, citoyens, avons envoyées avant le 11 juillet, et l’objectif est de disposer d’une norme juridiquement irrévocable, contre laquelle il ne puisse y avoir de recours et qui rende justice aux victimes de la guerre civile et du franquisme.
C’est pourquoi, dans vos déclarations à la presse, vous avez très opportunément rappelé que l’Espagne « est la seule démocratie importante au monde qui a des fosses communes avec des disparus et des familles entières, certaines personnes très âgées espérant ne pas mourir en pensant que leurs parents, leurs grands-parents, leurs proches demeurent non identifiés, sans la dignité qui correspond à une démocratie ».
La raison pour laquelle nous vous envoyons cette lettre ouverte est donc de vous rappeler que l’Espagne est aussi une « démocratie » qui, depuis la publication du texte de la loi sur la mémoire historique au « Journal officiel » de décembre 2007, ne reconnaît pas la même dignité à toutes les victimes du franquisme en établissant, par son article 10, une indigne division discriminatoire entre elles.
Une discrimination qui continuera tant que ne sera pas modifié cet article infâme, qui divise arbitrairement les victimes en deux catégories et attribue une indemnisation de 9.615,18 euros aux personnes condamnées « à la peine de mort effectivement exécutée » avant 1968 et de 135.000 euros (plus de treize fois plus) à celles qui le furent après cette date jusqu’en 1977.
Une discrimination arbitraire et infamante que les rédacteurs de cette norme ont tenté de « justifier » avec des phrases volontairement imprécises : « au vu des circonstances exceptionnelles qui ont contribué à leur mort » et pour avoir lutté « pour la défense et la revendication des libertés et des droits démocratiques ». Comme si les circonstances qui ont contribué à la mort de Federico García Lorca, Blas Infante, Lluís Companys, Juan Peiró, Julián Zugazagoitia, Francisco Cruz Salido, Julián Grimau, Francisco Granado et Joaquín Delgado, les Treize Roses*, María Pérez la Jabalina et tant et tant d’autres, parce qu’elles se sont produites avant 1968, n’étaient pas aussi exceptionnelles que celles qui ont contribué à la mort de ceux qui, après cette date jusqu’en 1977, ont lutté pour les mêmes valeurs !
Cette discrimination ne fait qu’ajouter en démocratie une peine injuste et douloureuse à celle déjà infligée par le franquisme criminel aux familles de ces victimes, et dont l’infâme injustice a incité le groupe Unidas Podemos/Izquierda Unida à présenter une proposition de loi, visant à réformer celle portant sur la Mémoire historique de 2007, dans laquelle une « réparation de caractère économique » unique est fixée pour toutes les victimes de la répression franquiste.
Il est légitime de supposer que cette proposition, puisqu’elle émane d’un groupe qui fait partie du gouvernement de la « coalition progressiste », sera retenue et figurera dans le texte qui sera présenté au nom de ce gouvernement pour réformer la loi de 2007 et mettre ainsi fin à cette honteuse et inacceptable infamie.
Je vous salue cordialement,
Octavio Alberola
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* « las trece rosas » (« les treize roses ») désigne en Espagne un groupe de treize jeunes filles, âgées de 18 à 29 ans, fusillées le 5 août 1939 par le régime franquiste à Madrid.
Source : Público.
Traduction : Floréal Melgar.
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