Le simple fait que le biologiste et opposant au régime castriste Ariel Ruiz Urquiola ait réussi à se faire entendre du Conseil des droits humains de l’ONU (voir « Ariel Ruiz Urquiola devant le Conseil des droits humains de l’ONU »), et bien que cette audience ait été en partie sabotée par la délégation cubaine assistée des dictatures chinoise, nord-coréenne et érythréenne, a mis le régime de La Havane en fureur. C’est en effet la première fois qu’un activiste cubain parvient à se faire entendre en personne, et officiellement, par l’une des instances de l’ONU.
Compte tenu de l’importance que l’événement a prise sur les réseaux sociaux et des milliers de messages de reconnaissance saluant le courage et la ténacité du biologiste, la télévision cubaine – télévision d’Etat – s’est donc crue obligée d’évoquer cet événement, mais évidemment à sa manière. Le régime a pour cela délégué l’un de ses toutous apprivoisés des plus serviles, la journaliste (sic) Irma Shelton, pour user du vocabulaire habituel et peu original réservé aux opposants politiques. C’est ainsi qu’Ariel Ruiz Urquiola a été présenté à son tour comme « un mercenaire au service de l’Empire», un « personnage fabriqué de toutes pièces par la machinerie anticubaine établie aux Etats-Unis », tenant un discours « rémunéré » (devinez par qui) destiné « à discréditer son propre pays ».
L’intervention télévisée de cette domestique particulièrement bien dressée du régime dictatorial cubain a bien sûr entraîné des tas de commentaires moqueurs sur les sites et blogs d’opposition cubains. Ce sera pour moi l’occasion de vous proposer la lecture, ci-dessous, d’une réflexion qu’a publiée sur les réseaux sociaux l’un de mes amis cubains, David Orret Cisneros.
« Dans un système totalitaire qui se maintient par un contrôle idéologique violent, les véritables répresseurs se trouvent parmi les journalistes, ceux qui défendent leur accès exclusif aux médias, se réveillant chaque jour prêts à mentir, à déformer, à cacher, à manipuler la vérité et à manipuler nos esprits et si possible, comme le font les pires d’entre eux, nos émotions.
Ils savent, ils savaient avant même de commencer, combien leur mission serait abjecte, ils savaient ce qu’ils pourraient dire, ce qu’ils ne pourraient pas dire, ils savaient que les limites de leurs reportages ne servent qu’au maintien d’un pouvoir dont la démonstration immédiate de son illégitimité réside précisément dans ces limites violemment imposées et servilement acceptées par eux.
Travailler comme journaliste dans un média conçu pour contrôler l’opinion, et non pour exprimer des opinions, c’est exactement le contraire du métier de journaliste, c’est plutôt être le cerbère de la liberté que l’on réprime d’abord en soi-même pour ensuite la réprimer chez les autres.
Si à Cuba existait la liberté d’expression, de la presse, d’association, de pensée, quoi que vous défendiez, et même si vous défendiez ce qu’ils défendent maintenant, le journalisme serait un journalisme digne, mais aujourd’hui ce que vous défendez c’est précisément le manque de liberté, l’absence d’options ou de nuances, et donc en plus d’être indigne, vous n’êtes pas journaliste, vous êtes un répresseur, un chien qui sourit de façon tragique et souvent affectée. »
J’imagine que c’est toi qui l’as sous-titrée « Irma la dure » ?
Oui.
J’aurais mis Irma la bonne Che-chienne…