Le ministère de la Culture de la Fédération de Russie vient d’interdire la sortie du film La mort de Staline, du réalisateur britannique Armando Iannucci. Ce film, adapté d’une bande dessinée française, est une satire portant sur la lutte pour le pouvoir entre membres influents de l’Union soviétique à la mort du « petit père des peuples », en 1953. La sortie du film était prévue pour ce jeudi 25 janvier, mais mardi 23 le ministère de la Culture a bloqué le visa d’exploitation, après qu’une commission restreinte au sein de ce ministère, composée de divers professionnels de la culture et d’hommes politiques, eut assisté à sa projection privée. Parmi le gratin de la censure figurent la fille du maréchal Joukov (l’un des personnages du film), le réalisateur Nikita Mikhalkov, lèche-bottes poutinien jusqu’à la moelle, et le président de la commission des affaires étrangères de la Douma, Leonid Slutski.
Outre Staline lui-même, des personnalités connues du monde soviétique, comme les militaires Joukov et Rokossovski, Leonid Brejnev, le sinistre Beria, que Staline présenta à Ribbentrop comme « le chef de notre Gestapo » lors de la signature du pacte germano-soviétique, puis comme « notre Himmler » auprès de Franklin Roosevelt à Yalta, sont ici caricaturées, ce qui a fortement déplu à la petite camarilla de fonctionnaires parasites russes. « Les personnages sont montrés comme des clowns idiots », déclarait à l’issue de la projection Pavel Pozhigailo, membre du conseil social (sic) du ministère de la Culture, à qui il semble urgent d’expliquer ce qu’est une satire, compte tenu de l’emploi qu’il occupe.
La mort de Staline a été présenté pour la première fois en septembre dernier au Festival de Toronto. Quiconque a regardé la bande annonce, aisément accessible sur le Net, comprend en quelques secondes qu’il s’agit d’une caricature. Son réalisateur s’est tout de même vu obligé, dans une déclaration à la presse russe, de préciser ne pas avoir fait un document historique, en ajoutant que les dialogues entre dirigeants soviétiques n’étaient que le produit de sa fantaisie (autre terme à expliquer aux susdits parasites).
Les communistes de Russie, les « vrais », des comiques dans leur genre eux aussi, qui avaient très officiellement demandé l’interdiction du film, l’ont pour leur part assimilé à une « provocation ». Du temps de leur splendeur, cette « provocation » eût été qualifiée d’impérialiste ou de contre-révolutionnaire. C’est à des détails comme celui-là qu’on voit que tout fout le camp.
Les téléspectateurs cubains, eux, ont beaucoup plus de chance puisqu’il leur a été enfin permis, lundi 22 janvier au soir, de voir Le docteur Jivago sur leur petit écran, cinquante-trois petites années après la sortie de ce film de David Lean. Mais attention, comme près de soixante années de propagande castriste, seule autorisée sur l’île, n’ont toujours pas suffi à fabriquer l’homme nouveau capable de mieux comprendre qu’un enfant de 10 ans de quoi il retourne, cette diffusion a été précédée d’un avertissement solennel concernant les « problèmes idéologiques » posés par ce film, notamment la présentation qui est faite de « la Grande Révolution Socialiste d’Octobre » (les majuscules s’entendaient dans la voix émue du présentateur), a précisé Carlos Galiano, très peiné par ailleurs de voir les bolcheviques dépeints « comme des extrémistes et des fanatiques, dans une suite de clichés antisoviétiques et anticommunistes propres à la guerre froide ». Avant la diffusion du film, les téléspectateurs cubains ont été « informés » que la CIA, dans sa guerre culturelle contre l’Union soviétique, avait payé l’académie Nobel de Suède afin qu’elle décerne son prix, en 1959, à Boris Pasternak, auteur du livre dont est tiré le film de David Lean. Carlos Galiano, sans doute pris par le temps, n’a pas cru bon d’ajouter que cet ouvrage est évidemment introuvable à Cuba.
Une véritable aubaine !
Que serait un blog digne de ce nom s’il n’y avait pour le nourrir régulièrement de façon récurrente les sujets providentiels de la Russie poutino-goulaguienne et la répression étatique from Cuba-la-rouge.
Il faut donc défendre haut et fort une « œuvre » revendiquée caricaturale filmée par un anglais tirée d’une BD française, traduite en russe (je suppose) au titre qu’elle ne plairait pas aux cultureux de là-bas.
Anastasie a, décidément, de l’autre coté du continent, de gros sabots.
C’est pas comme ici ou l’équivalent « politiquement humoristique » n’a pas besoin de ses bons soins ni de ses ciseaux. Les productions et distributions mondialisées d’ici peuvent juste se contenter tout simplement de les ignorer pour que le résultat soit le même ! Pas vues, pas prises ! Et le tour est joué, mais silencieusement, feutré, voir furtif et sans compte-rendu polémique acide. Restons softs de ce côté de l’ex-rideau de fer !
Hors sujet, une fois de plus. Où as-tu vu que je défendais une oeuvre ? Je n’ai pas vu ce film, qui est peut-être mauvais, je n’en sais rien, mais le sujet n’est pas là. Il s’agit encore une fois du ridicule, pour ne pas dire du grotesque, de la censure d’Etat de ces pays que tu as tant aimés. Tu n’as jamais rien à dire sur cette censure permanente, sur les immondes saloperies qui furent toujours réservées dans ces pays aux artistes coupables de n’avoir pas chanté les louanges de ces régimes dictatoriaux qui ont fait la gloire du drapeau rouge. Et puis encore une fois le couplet sur la critique du communisme qui cacherait en fait une apologie de ce qui se fait « de l’autre côté de l’ex-rideau de fer », ici chez nous, ça va bien, tu pourrais mieux faire. Il est temps de sortir des couplets de « L’Huma » des années 20, 30, 40 et 50.
Je voudrais aussi ajouter une chose. Tu sembles à chaque fois laisser entendre que je m’amuse simplement, à travers ce genre d’article, à taquiner de vieux staliniens nostalgiques. Or le fait de savoir qu’aujourd’hui encore des millions de personnes ne peuvent avoir accès aux livres écrits par Pasternak et des centaines d’autres auteurs, parce qu’une camarilla de salopards a décidé qu’ils étaient dangereux pour le peuple, ne m’amuse absolument pas. Je trouve ça particulièrement dramatique, et j’ai plutôt l’impression, à lire tes réactions, que c’est toi que tout ça amuse.