L’auteur de Société, tu m’auras pas ! devrait se méfier. S’il persiste dans cette voie, la société va finir par l’avoir.
Le chanteur au pois chiche dans le crâne et anarchiste d’opérette, faux loubard mais vrai comique involontaire, qui jouait naguère les fiers-à-bras en toisant la société du haut de la scène pour dénoncer « l’absurdité de sa morale et de ses lois », continue, cure de dégrisement oblige, de mettre beaucoup d’eau dans son pastis.
Certes, on savait depuis belle lurette que la radicalité de ses chansons relevait davantage d’une posture de révolutionnaire pour comédie musicale que d’une solide conscience politique et de convictions durables. Avoir successivement fait connaître publiquement, tout en célébrant la beauté du drapeau noir, son désir de voter pour l’extrême gauche, puis le Parti communiste, puis les Verts, puis le PS, montrait à l’évidence une disposition à jouer les girouettes communément répandue dans le monde politique et parmi le corps électoral.
Après nous avoir amusés durant des années avec son idolâtrie cucul pour son « Tonton » Mitterrand, avoir confié ses photos de mariage au journal révolutionnaire Paris Match, vendu aux radios-télés son alcoolisme et sa vie privée, puis sa cure de désintox et son flirt poussé avec les gentils snipers et autres grands sensibles de l’« ordre public », voilà que le chanteur Renaud vient de renouveler publiquement toute sa sympathie pour l’ancien premier ministre larbin d’un notoire charlatan.
Cela m’a donné l’idée d’écrire une nouvelle version de Laisse béton, devenue pour l’occasion J’vote Fillon !
J’vote Fillon !
(sur l’air de « Laisse béton »)
J’étais coco, j’étais anar
Et accro au Ricard
Le type est entré dans le bar
Il a commandé un p’tit noir
Et y s’est approché de moi
Et y m’a regardé comme ça
– Toi ton vote, mon pote, il me botte
Je suis certain que tu hésites
Que tu sais plus où tu habites
J’vais te donner la solution
Pour les prochaines élections
Le meilleur, sûr, c’est Mélenchon
Moi j’y ai dit : j’vote Fillon !
Y m’a dit tu rigoles, c’est pas vrai, c’est une blague
Y’en a qui pour moins qu’ça ont fini au goulag !
J’étais anar, j’étais coco
Et accro au Pernod
Le type est entré dans le bar
Et a commandé du Ruinart
M’a chanté du Carla Bruni
Et m’a dit j’m’appelle Balkany
– Toi t’es un sage, je compte sur ton suffrage
Et bien sûr tu vas nous l’donner
On saura te récompenser
Toute cette batt’rie de casseroles
L’empêch’ra pas d’jouer l’premier rôle
Sarkozy c’est le vrai patron !
Moi j’y ai dit : j’vote Fillon !
Y m’a filé un gnon, j’y ai filé un marron
Y m’a dit « t’es bidon » et puis « casse-toi pauv’ con ! »
J’étais coco, j’étais anar
Et accro au pinard
Le type est entré dans le bar
Avec au bec un gros cigare
Puis y m’a tapé sur l’épaule
Et m’a regardé d’un air drôle
– Ton opinion, mecton, c’est pas bidon
J’parierais bien que tu balances
Que tu sais plus où va la France
J’vais te montrer la direction
Pour les prochaines élections
Le bon, c’est Emmanuel Macron
Moi j’y ai dit : j’vote Fillon !
Y m’a dit comm’ ministre je gagnais pas bézef
Alors je retourn’ voir mes amis du Medef
J’étais anar, j’étais coco
Et accro au bordeaux
Le type est entré dans le bar
Et a commandé du caviar
S’est arrêté à ma hauteur
Et puis m’a dit mon cher auteur
– Vos quatrains, vos refrains, c’est divin !
Au fond vous êtes un vrai centriste
Arrêtez d’jouer les anarchistes
Pour la prochaine présidentielle
C’est lui l’homme providentiel
Juppé va doper la nation
Moi j’y ai dit : j’vote Fillon !
Y m’a filé un chèque, j’y ai filé un bourre-pif
Y m’a filé sa carte et un emploi fictif
J’étais anar, j’étais coco
Accroc à l’apéro
La fille est entrée dans l’bistrot
En chantonnant « Heili, heilo »
Puis m’a entraîné Chez Gégène
C’était la Maréchal-Le Pen
– Ô mon chanteur, mon p’tit cœur, mon führer
Maint’nant que tu embrass’ des flics
Tu m’es devenu sympathique
Ton engouement pour la police
Plaît beaucoup à notre milice
Marine compte sur toi, fiston
Moi j’y ai dit : j’vote Fillon !
Elle m’a dit si c’est ça j’tenvoie Gilbert Collard
Y va t’casser les noix, c’est un sacré connard !
J’étais anar, j’étais coco
Je buvais mon Cointreau
La fille est entrée dans le rade
A commandé une orangeade
Et m’a dit je suis écolo
Une fan de Nicolas Hulot
– L’écologie, mon chéri, c’est le parti des amis
Mais là l’important c’est qu’il faut
Faire barrage à Cécile Duflot
Faut des Verts dans les ministères
Mais ça ne pourra pas se faire
En s’réfugiant dans l’abstention
Moi j’y ai dit : j’vote Fillon !
Elle a dit non de non, a tourné les talons,
Déposé une motion, d’mandé mon exclusion
J’étais coco, j’étais anar
Affalé au comptoir
Le gars est entré dans le bar
A commandé un communard
Sapin m’a dit alors ça roule ?
Et ça m’a bien foutu les boules
– Mon gars, le père François, il compte sur toi
Le bilan du gouvernement
Tu l’as r’marqué est excellent
Malgré ce que prétend la presse
On a tenu toutes nos promesses
Et on va poursuivre notre action
Moi j’y ai dit : j’vote Fillon !
Pass’que j’crois dur comme fer que ça pourra se faire
Qu’un enn’mi d’la finance gouvern’ un jour la France
Quand tu fais des déclarations
A la gloire des flics et d’Fillon
C’est qu’t’as plus d’imagination
Et que t’es dev’nu un peu con
Bien vu ! J’ignorais vos talents d’auteur de chansons ! Il faut trouver un interprète. Pierre Delorme ?
Bravo, excellent, il faudrait même la faire enregistrer, elle mériterait la première place au hit-parade.
Au hit-parade… vous venez d’ouvrir une brèche, une porte communiquant avec les années 80, il est vital de la refermer au plus vite !
Je soutiens la proposition de Danièle, Pierre Delorme en duo avec Fred Bobin, évidemment, voilà de quoi nous enchanter… (Non j’ai rien dit…)
Norbert Gabriel
Je crois pas qu’il ait dit ça… y’a eu entourloupe vraisemblablement, il a démenti.
Oui, certains vont même jusqu’à dire qu’il n’a pas donné d’entretien au Figaro. Peut-être bien que Renaud n’existe pas, finalement.
Bravo pour l’article et pour la chanson ! Entièrement d’accord avec toi !
Renaud Séchan vient simplement de démontrer qu’il est un Français comme les autres. Il peut voter Mitterrand en 1981, et Fillon en 2016. Quand on est jeune on a des projets, et quand on est vieux on a des souvenirs. On accorde à cet égard un peu trop d’intérêt à ce que disent les artistes. En définitive tout le monde s’en fout. Quant à votre parodie, elle est réussie. Vous avez du talent.
http://www.duglobe.org
Merci.
Je kiffe 100/100.
Bravo, moi qui suis poète je suis sur le baba 👍👍👍
Bonjour,
Il faut absolument que vous diffusiez cette chanson. Trouver un chanteur et la mettre sur YouTube. Je suis certaine que ça tournera.
Je rejoins Hamia et pourtant j’adore Renaud et ses textes.
Même si sa déclaration signifiait qu’en cas de duel Fillon-Le Pen au second tour il opterait pour Fillon par dépit et non par engouement (sacrée différence, avouez le !). Cette parodie du premier tube de Renaud est bien écrite et m’a fait rire. Elle me rappelle le pastiche d’un autre tube de Renaud par Thierry Le Luron en 1981. Quelques bonnes vérités sur le gavroche du TOP 50…
Renaud semble se spécialiser dans la reculade. Il donne une interview au Figaro puis dément les propos retranscrits. Le même pas en arrière avait eu lieu quelques mois auparavant après un entretien au Journal de dimanche où des paroles bienveillantes de Renaud envers Fillon avaient déjà été rapportées.
Pour un fils de collabo c’est normal, non ?
Non, pas du tout. Personne n’est responsable de ce qu’ont pu dire, écrire ou faire son père et sa mère. Un fils ou une fille peut certes avoir subi une certaine influence, mais ce n’est certainement pas une loi générale.
Ben alors, ça confirme bien que picoler ça flingue le cerveau !
Il faut quand même distinguer une partie de phrase mise en avant par Le Figaro pour faire croire que Renaud est de droite… et ce qu’il a dit… « Une telle affirmation n’emporte pas pour autant une adhésion au programme et aux idées de Monsieur Fillon », ajoute Renaud, grand soutien dans les années 80 du président socialiste François Mitterrand. Sa déclaration, insiste-t-il, « doit, avant toute chose, être perçue comme une affirmation de son vote de contestation face à la présidente du Front national autant que le rappel de ses convictions de citoyen libre, républicain et de gauche et celui de la nécessité de ne pas déserter les bureaux de vote ». Au printemps sur Europe 1, Renaud s’était déclaré en faveur d’une candidature de l’écologiste Nicolas Hulot à la prochaine présidentielle. http://www.europe1.fr/culture/renaud-se-defend-de-soutenir-francois-fillon-en-2017-2839072
J’ai déjà eu l’occasion d’écrire plus haut qu’avant le mois d’août 2016 et sa déclaration d’amour à Fillon suivie d’un pas en arrière, Renaud avait déjà chanté les louanges de ce même Fillon, quelques mois auparavant, dans le Journal du dimanche, pour opérer déjà une première reculade. Que Le Figaro se serve des déclarations girouettes de Renaud, c’est une chose, mais cela n’empêche pas que ce dernier se laisse aller depuis longtemps à tenir des propos d’une rare stupidité, surtout prononcés par quelqu’un qui aime à se parer de la panoplie de rebelle, voire d’anarchiste.
L’honnêteté serait de ne pas reproduire qu’une partie de ses propos et le JDD écrit d’abord : « Bah… On aura Juppé ou Fillon contre Le Pen, forcément. Je ne vois pas de joker pour le moment. Même mon assistant, qui est communiste pur et dur, a du mal avec Mélenchon ! Un qui est bien, c’est Hulot. Il ne se présente pas mais il m’aurait plu. Lui et Arthus-Bertrand me paraissent éblouissants d’intelligence, d’amour de la planète, de l’environnement, de la condition animale, minérale, végétale… Et ils paient leur taxe carbone. »
Encore une fois, quelles que soient les raisons pour lesquelles il se montre prêt à voter Fillon, même s’il croit nous sauver du fascisme en se rendant dans l’isoloir, je m’en fous. Je ne fais pas ici un reportage sur Renaud et la politique française, mais simplement une parodie de sa chanson, en me moquant de l’anarchiste d’opérette dont il donne l’image. C’est tout. Vouloir à tout prix tout justifier de sa part, c’est le propre des idolâtres. Il doit bien exister des endroits où il est loisible d’étaler cette admiration sans borne. Ce blog n’est pas fait pour ça. Restons-en là.
Pour les photos de mariage dans Paris Match, il n’a pas confié les photos à Paris Match, il a vendu le reportage au profit de l’association Perce Neige.
Et alors ? Cet étalage de sa vie privée n’en demeure pas moins d’une indécence extrême. Il a assez de fric pour en donner à qui il veut, et sans pour cela que le monde entier soit mis au courant. La charité médiatique, c’est dégueulasse.
Et à mon avis, des chansons telles que « Où c’est que j’ai mis mon flingue », « Déserteur », « L’aquarium », « C’est pas du pipeau », « Lolito Lolita », « La médaille » ont fait plus de bien à la cause anarchiste que cet article qui sélectionne une partie des faits dans le but de dénigrer Renaud. Mais sinon, votre chanson est rigolote en sa qualité de caricature.
A mon sens il se dénigre assez bien tout seul, ce pauvre Renaud. Quant à ces chansons que vous citez qui auraient fait avancer la cause anarchiste, j’espère que vous n’y croyez pas vraiment.
Enfin, la chanson « J’ai embrassé un flic » est à remettre dans son contexte. Lecteur de Charlie de 1992 à 2002, j’ai eu un sentiment de perte immense suite à l’assassinat de la rédaction. Humainement, ça a dû être très dur pour Renaud vu qu’il avait travaillé avec ces personnes. Le jour où 13 de mes collègues, dont des personnes que j’estime se feront assassiner, je verrai comment je réagirai en voyant un flic qui protège ma manifestation de deuil.
Les adorateurs de la guillotine usent du même argument sinistre et démagogique. « Quand on aura assassiné ta petite fille, etc. » Là, je pense que vraiment ça suffit.
Super cette parodie, trouve un interprète….
Renaud m’a fait rêver et m’a ému avec ses chansons, sa tendresse et sa sensibilité d’écorché vif, je l’écoute encore aujourd’hui, il a peut-être fondu les plombs, à voir, mais ce qui est sûr c’est que votre parodie légère ne sera jamais autant reprise que la version originale.
Pourquoi tous les artistes devraient être plus vertueux et constants que ceux qui nous dirigent, là n’est pas leur rôle, et si par mégarde leur engagement est un peu trop présent, le sort inévitablement s’acharnera sur eux.
Vous n’avez pas parodié Hexagone de peur d’être censuré ?
Je ne prétends pas concurrencer Renaud et je n’ai pas écrit cette parodie pour qu’elle soit reprise par tous. Je ne suis ni du showbiz ni parolier.
Je ne demande pas aux artistes d’être plus vertueux et constants que les dirigeants, même si c’est un but assez facile à atteindre. Mais personne ne demande non plus aux artistes de nous dire sans cesse quelles sont leurs opinions politiques, leurs choix électoraux, etc. A partir du moment où ils aiment se répandre sur ces sujets, et surtout quand ils se montrent très girouettes, il est assez normal de pouvoir commenter leurs propos, et même de s’en moquer.
Je n’ai pas compris votre dernière phrase sur Hexagone. J’ai choisi Laisse béton parce que ça collait mieux à ma parodie. Et de quelle censure parlez-vous ?
Excellentissime !
EXCELLENT ! L’article comme la chanson… bravo !!!
Bon d’accord, Fillon rime avec litron, alors on veut bien écouter ses chansons (si toutefois il arrête le délire), mais on le dispense de ses conseils en politique. 😀
Hier à Chambéry, d’après Le Dauphiné libéré, Renaud a crié « Fillon et sa Pénélope dehors ! »
« Dès que le vent tournera… »
Bien rigolé ! Très heureux d’avoir retrouvé le talent de l’auteur d’ « A la petite semaine »… J-Marie