Je suis très heureux (et très fier, parce que j’y suis modestement pour quelque chose) de vivre dans un pays qui est pris pour cible par les ennemis de la liberté, de la laïcité, des arts, de la sensualité et de l’intelligence.
Aujourd’hui il faut plus que jamais veiller, comme y invite Spinoza, à « ni pleurer ni maudire, mais comprendre ». Et tout particulièrement en tenant à une saine distance le patriotisme culturaliste revanchard (tous assassins) et le relativisme misérabiliste (tous victimes).
« Dans le tumulte des idées et des vérités contradictoires, il y a une chose qu’on peut cependant appeler le mal, c’est la cruauté » (Montaigne). On peut s’égarer, se tromper, faire des expériences cuisantes ; mais croire en ce qu’ils ne croient pas, aimer ce qu’ils n’aiment pas, c’est-à-dire à peu près tout, dont la musique, les livres, rire, la peinture, danser, aimer, sans distinction de sexe, chanter, jouer au ballon, faire voler des cerf-volants… ne saurait être le mal.
Le djihadisme, que je n’hésite pas avec certains à appeler islamofascisme, a pour objectif (et non comme simple tactique) de nier ce qui constitue le fondement même de notre commune humanité, comme, en leur temps, le nazisme, le stalinisme, les Interahamwe du Rwanda et, peut-être ? la Très Sainte Inquisition. Quant à ses soldats perdus, il a réussi à donner à leur vie de merde un supplément d’ego, un ultime baroud d’ho(rr)eur. À donner pas même un sens, juste un nom, à leur haine.
La ligne de partage n’est pas entre musulmans et chrétiens, entre Orient et Occident, entre Arabes et « croisés ». Elle est entre ceux qui partagent la commune humanité et ce nihilisme eschatologique. À l’aide ! Ici, maintenant, tous ceux qui fuient Daesh, Boko Haram, Aqmi, Al-Qaeda, Al-Mourabitoune !
Jean Verlinde
Je ne partage pas la « ligne de partage » qu’établit Jean Varlinde, car il me semble que beaucoup de ceux qui aujourd’hui se vantent de combattre ce « nihilisme eschatologique » ne défendent la « commune humanité » qu’en paroles mais pas dans les actes.
Quand bien même aurais-tu raison – qu’ils agissent ou se contentent de se vanter -, cela n’empêche pas de constater ou d’établir par où passe la ligne de partage.
C’est que, pour moi, la ligne de partage continue à passer entre ceux qui partagent (dans le discours et les actes, bien sûr) la « commune humanité » et ceux qui ne partagent la « commune humanité » qu’entre eux. Le nihilisme économique me paraît aussi barbare que le nihilisme eschatologique.