Quand il voit le jour dans un taudis de La Courneuve (Seine-Saint-Denis) où vivent dans une pièce de 18 mètres carrés sa mère et ses six frères et sœurs aînés, le père ayant quitté le foyer six mois avant sa naissance, le petit Philippe Rasti-Val semble déjà promis à la vie de galère des enfants de pauvres… si l’on en croit du moins les affirmations des sociologues, qui avancent sans preuves que les chances de réussite se révèlent moindres à mesure qu’on descend sur l’échelle des origines sociales.
L’absence de père, les maigres ressources d’une mère femme de ménage obligèrent le jeune Philippe Rasti-Val à abandonner très tôt le cursus scolaire pour le monde du travail. Sans diplôme, il dut se contenter de petits boulots sans grand intérêt et fort mal payés, ce qu’il n’aurait sans doute pas vécu s’il avait été, par exemple, fils de commerçants de Neuilly… si l’on en croit du moins les écrits des sociologues, qui affirment un peu vite que les chances de réussite s’améliorent à mesure qu’on a des parents situés financièrement dans le haut de l’échelle sociale.
Après une parenthèse de chanteur anarcho-gauchiste, il se mit à cracher régulièrement sur les chevelus-barbus qui avaient jusque-là composé son public. Parvenu à l’âge qu’on dit raisonnable, tournant le dos à ceux-là qui avaient assuré son succès, il préféra dès lors fréquenter le côté du manche, s’assurant la belle amitié de gens qui comptent, des Jean-Luc Hees, des Carla Bruni, des Laurence Parisot. « Je me sens parfaitement bien au Medef et je suis content d’y avoir été invité », déclarait-il ainsi, à l’été 2007, sous le soleil de Jouy-en-Josas. Evidemment, de mauvaises langues allaient aussitôt laisser entendre que ses nouvelles fréquentations avaient sans doute joué dans la nomination de ce Bel-Ami de la Sarkozie, deux ans plus tard, à la direction de France Inter… si l’on en croit du moins les allégations des sociologues, qui prétendent sans véritable fondement que les relations mondaines avec les décideurs ouvrent davantage de portes que la fréquentation des gueux et des ribaudes.
Rien de tout cela n’est vrai, bien sûr, et si certains éléments vous font penser à un personnage réellement existant, cela ne peut être que le fruit du hasard.
Aujourd’hui, dans un ouvrage vengeur* où sont vilipendés les propos des sociologues, considérés comme de nouveaux Khmers rouges, Philippe Val répond qu’il est faux de prétendre que mieux vaut, à la naissance, être déjà riche et bien portant plutôt que pauvre et malade. Ignorant manifestement qu’on puisse apprécier de se cultiver sans avoir les dents longues et acérées, qu’on puisse intellectuellement s’élever en cultivant tout à la fois le refus de parvenir, il croit faire l’apologie de la responsabilité individuelle, stupidement opposée à un certain déterminisme social, quand tout son petit traité de parvenu n’est qu’une tentative teigneuse de justification de son ambition démesurée et le reflet de l’inévitable malaise qu’entraînent parfois, chez eux, les saloperies forcément commises par les arrivistes forcenés.
* Malaise dans l’inculture, de Philippe Val, Grasset, 2015.
Pour ce qui est de la parenthèse chansonnière, ce n’était pas lui qui était le plus drôle dans le couple. Il était était même sinistre, parfois.
Mais en fait, Floréal, c’est la sempiternelle ritournelle des arrivistes qu’il nous est parfois arrivé de croiser aussi à Radio-Libertaire : à tenter le créneau « contestataire » et puis plier bagage vers des horizons plus juteux. Quand les postures ne tiennent qu’aux émoluments ou aux promotions politiques… J’ai en tête deux cadors de passage à la radio et qui ont fini à des postes aux partis écolos (ouh, l’audace !…).
La tentative de démolition de la pensée critique, et plus particulièrement de la sociologie qui a donné à tous ceux qui s’insurgent devant l’implacable reproduction de la misère la possibilité de mieux défricher les mécanismes du pouvoir et de la violence faite aux plus « petits » afin d’entretenir la pérennité de l’injustice sociale, s’inscrit dans une volonté politique de briser les droits sociaux et l’inanité de toute révolte (ne sommes-nous pas dans le meilleur des mondes possibles ?) qui caractérisent nos « démocraties ».
La crainte pour les possédants de revoir renaître la « sociale » sur une Europe écrasée par la dictature financière, ceux-ci s’entourent des nouveaux « pédagogues » invités et grassement rétribués à tirer la pensée des Bourdieux, Castoriadis, Foucault, Deleuze, et de tous ceux que la condition porte à la réflexion, vers les abysses et l’acceptation de leur assujettissement !
Phil Val en larbin soucieux de sa réussite ne me surprend pas, je n’ai jamais accordé un quitus à des visages qui parlent de l’humanité avec une bouche sans lèvres engoncées dans un menton reptilien à la Mussolini !…
Merci pour votre article vigilant par rapport à ces basses réductions de la pensée à laquelle radios et télés offrent une généreuse tribune, fidèles en cela à leur fonction « d’informer »!…
Jacques.
« je n’ai jamais accordé un quitus à des visages qui parlent de l’humanité avec une bouche sans lèvres engoncées dans un menton reptilien à la Mussolini !… » Non, pas le physique ! Même si Val pourrait laisser croire que la morphopsychologie est une science exacte.