A la demande d’un bon ami, j’ai rédigé pour Le Monde diplomatique une note de lecture concernant l’ouvrage Guerre, exil et prison d’un anarcho-syndicaliste, dans lequel Cipriano Mera, militant de la CNT, raconte ce que fut sa guerre civile, en Espagne, de 1936 à 1939, et ses suites immédiates. Cette note a paru dans le numéro de décembre de cette publication. J’ai, par la suite, plus largement développé mon propos dans un article, « La mémoire d’un vaincu », publié dans Le Monde libertaire du 6 décembre 2012, sous le pseudonyme de Juan Roman.
Dans son numéro de janvier, Le Monde diplomatique publie un courrier de lecteur en réaction à cette note. Il émane évidemment, comme on peut très vite s’en rendre compte par la répétition des éternels bobards de la propagande communiste, d’un stalinien pur jus, Fernando Malverde.
L’épisode évoqué dans ce courrier et présenté stupidement par son auteur comme le seul vraiment « essentiel » est bien sûr largement abordé par Cipriano Mera dans ses Mémoires. Les lecteurs intéressés par le sujet peuvent s’y reporter pour se faire une idée. Quand on sait tous les outrages qu’ont fait subir à cette histoire-là tous les historiens communistes officiels et autres Malverde qui l’ont prise sous leur bienveillante protection, cette lecture est même fortement recommandée.
Mais le plus cocasse comme le plus cynique, dans ce courrier, demeure l’emploi des expressions « guerre civile dans la guerre civile », « trahison » et « bain de sang » pour salir un militant libertaire et venir en aide à ceux qui, précisément, n’ont jamais cessé, durant ces trois années de conflit, de se vautrer dans l’arrestation, l’élimination physique, l’assassinat abject de leurs adversaires politiques au sein même du camp dit républicain.
Fernando Malverde doit savoir que « la guerre civile dans la guerre civile » ne gêna guère les communistes espagnols, largement épaulés par une armada de « conseillers » soviétiques, dans cette tâche immonde que le journal la Pravda, de Moscou, annonçait en ces termes dès le 17 décembre 1936 : « En Catalogne, l’élimination des trotskistes et des anarcho-syndicalistes a déjà commencé ; elle sera conduite avec la même énergie qu’en URSS. »
Comment qualifier, en effet, la tentative de « coup d’Etat » stalinien qui donna lieu aux sanglantes « journées de mai » 1937 ; les enlèvements et assassinats du militant anarchiste italien Camilo Berneri et des dirigeants du Parti ouvrier d’unification marxiste (POUM), entre autres ; l’élimination physique de nombre d’adhérents de cette même organisation ; l’abandon du front de guerre, par les nervis communistes du sinistre Enrique Lister, pour se livrer à la destruction des collectivisations libertaires d’Aragon ?
Tous les Malverde de la terre auront beau continuer à s’abreuver aux sources du mensonge, tous ces faits, désormais connus, ne pourront plus être tus ou trafiqués comme ils le furent durant la période de toute-puissance stalinienne. Et s’il est d’autres vérités à découvrir dans l’histoire de cette révolution trahie, nul doute qu’elles ne seront guère à l’avantage de ces assassins d’hier et de ceux qui les défendent encore aujourd’hui.
Indécrottable
5 janvier 2013 par Floréal
J’avais le souvenir que la guerre d’Espagne avait comme belligérants antagonistes les républicains espagnols, élus par une majorité du peuple et remis en cause par un coup d’Etat fasciste soutenu par leurs alliés hitlériens. Il faut croire que les membres de ma famille engagés dans les Brigades internationales s’étaient trompés d’adversaires. L’ennemi était donc ces nervis staliniens…
Il faut que je révise mon histoire.
Ah ! ça oui, Chris, je pense que tu dois revoir ton histoire. Comme d’habitude, tu en restes à une généralité, en mettant en plus l’aspect émotionnel en avant avec les membres de ta famille. Dans ma réponse au lecteur du « Monde diplo », j’énumère certains faits. Tu ne dis rien là-dessus. Oui ou non, était-il écrit dans « la Pravda » que l’élimination des trotskistes et des anarcho-syndicalistes avait commencé et serait poursuivie jusqu’à son terme ? Oui ou non, des milliers d’adhérents du POUM et de la CNT ont-ils été arrêtés, enlevés, exécutés sur ordre des communistes espagnols conseillés par les nombreux agents du NKVD soviétique ? Etc. Ce sont des faits, Chris, pas des paroles en l’air. Qu’il y ait eu des communistes français ou autres engagés dans les Brigades internationales et qui se soient battus contre les franquistes, que nombre d’entre eux y aient laissé leur vie, je ne le nie pas, mais le sujet de mon texte n’est pas là. D’ailleurs, sur la question des Brigades internationales, et puisque tu sembles prêt à réviser cette histoire, je te recommande la lecture de « Ma guerre d’Espagne » de Sygmunt Stein (éditions du Seuil). Sur ce que sont devenus nombre de « conseillers » envoyés en Espagne par l’Internationale communiste, je te recommande les livres de Jacques Rossi « Qu’elle était belle cette utopie » et « Le manuel du goulag ». Sygmunt Stein et Jacques Rossi étaient tous deux d’anciens militants communistes. Et les témoignages abondent, Chris…
Merci encore et toujours pour ce combat de longue haleine pour le rétablissement de la vérité qui finira par porter ses fruits. Enfants et petits-enfants d’Espagnols, nous sommes nombreux à tenir de nos proches des documents et les témoignages qui confirment les crimes et le démantèlement des collectivisations par le pouvoir occulte stalinien. Dans le feu de l’action, les libertaires ne disposaient pas du recul nécessaire pour faire preuve de toute la clairvoyance nécessaire et comprendre la perfidie de la stratégie. Mais beaucoup ont compris après coup l’instrumentalisation et la trahison avérée. Je n’ai pas connu mon grand-père, anarchiste aragonais, car il s’est donné la mort quelques années après la guerre. Il me reste des publications clandestines dans une vieille malle, une encyclopédie anarchiste non reliée, classée dans des dossiers jaunis. Je n’en demeure pas moins attaché aux valeurs de sa mémoire, et aux souvenirs de sa vie qu’il a choisi de quitter délibérément en exprimant son dégoût et son droit d’en disposer à sa guise.
Voir récemment, aux éditions Rhédic, « Les habits neufs du stalinisme ».
Une mise au point sur les heures noires de la Libération en France quand des militants du PCE assassinent d’autres républicains espagnols et de la CNT en particulier !
oli