Vendredi 13 janvier au soir, à une heure de grande écoute, était retransmise sur une chaîne de télévision du service public l’édition 2012 de ce qu’ « ils » appellent « La fête de la chanson française ». Au programme, bien sûr, tous ces artistes qu’il est permis de voir et d’entendre en permanence, tout au long des années qui passent, sur le petit écran et sur les ondes radio. Toujours les mêmes.
Car la « chanson française », c’est devenu ça : le show-biz, les paillettes, on tape dans ses mains, les bons sentiments qui dégoulinent jusque sur la zapette, on s’aime tous, on s’embrasse, on a une pensée pour les myopathes de Somalie, le dernier jeune talent qui promet beaucoup, la preuve il chante avec un chapeau sur la tête, on reprend en chœur l’immortel succès d’un grand ancien disparu, « qui nous manque tant », précisera une présentatrice un peu « bas de plafond ». La grand-messe peut commencer. Et pour la bénédiction, on fera même venir une grande vedette vieillie qui aime tout le monde, un Aznavour ou cette pauvre Juliette Gréco, caricature d’elle-même.
Vendredi 13 janvier, pour cette prétendue fête annuelle de la chanson française, comme lors des années précédentes et celles à venir, n’ont pas été conviés Véronique Pestel, Béa Tristan, Gérard Pierron, Anne Sylvestre, Rémo Gary, François Gaillard, Melaine Favennec, Philippe Forcioli, Sarcloret, Gilbert Laffaille, Yvan Dautin, Jean-Michel Piton, Michèle Bernard, Francesca Solleville, Thomas Pitiot, Gérard Morel, Michel Bühler, Jacques Bertin, Alain Sourigues, Xavier Lacouture, Pierre Delorme, Hélène Maurice, Vincent Absil, Hélène Martin, Louis Capart, Hervé Akrich, Wladimir Anselme, Laurent Berger, Michel Arbatz, Clément Bertrand, Nicolas Bacchus, Môrice Benin, Michel Boutet, Céline Caussimon, Anne Peko, Anna Prucnal, Romain Didier, Loïc Lantoine, Annick Cisaruk, Christian Camerlynck, Henri Courseaux, Christiane Courvoisier, Claire Elzière, Natacha Ezdra, Entre 2 Caisses, Eric Toulis, Bruno Daraquy, Jean Duino, Agnès Debord, Dominique Grange, Joël Favreau, Jean-Luc Debattice, Marc Havet, Michel Hermon, Bernard Joyet, Jehan, Jofroi, Jean Guidoni, Marcel Kanche, Alice Dézailes, France Léa, Romain Lemire, Nicolas Reggiani, Elizabeth, Jean-Pierre Réginal, Gilles Roucaute, Claude Semal, Gilles Servat, Bruno Ruiz, Nathalie Solence, Marc Ogeret, Simone Tassimot, Mouron, Eric Frasiak, Valérie Ambroise, Lou Saintagne, Valérie Mischler, Annick Roux, Jean Vasca, Laurent Viel, Zaniboni, Madame Raymonde, Coline Malice, Vanina Michel, Pascal Mary, Laurent Malot, Pierre Lebelâge, Yannick Le Nagard, Hervé Lapalud, Gérard Pitiot, Dominique Ottavi, Jeanne Garraud, Gaëlle Vigneaux, Alain Léamauff, Alain Nitchaieff, Nathalie Miravette, Louis Arti, Gildas Thomas, Jean-Marie Vivier, Coko, Alain Aurenche, André Bonhomme, Presque Oui, Clément Bertrand, Rue de la Muette, Christian Paccoud, Henri Tachan, Aline Dhavré, Hervé Suhubiette, David Sire, Emmanuel Depoix, Philippe Guillard, Claude Astier, Frédéric Bobin, Paule-Andrée Cassidy, Ariane Dubillard, Mona Heftre, Jean Dubois, Grabowski, Flavia, Thibaud Couturier, Thomasi, Olivier Trévidy, Wally, Gilles Maire, Eric Guilleton, Jules Bourdeaux, Jean-Claude Mérillon, Florent Vintrignier, Thierry Romanens, Bel Hubert, Julos Beaucarne, Christophe Bonzom, Chantal Grimm, Elsa Gelly, Muz Nouch, Michel Murty, Le P’tit Crème, Gabriel Yacoub, Jacques Yvart, Evelyne Gallet… (j’en oublie beaucoup, liste à compléter par le lecteur)…
Comme Allain Leprest, qu’un crétin branché à carte de presse oublie de citer dans l’article de Libération qu’il consacre aux chanteurs disparus au cours de l’année 2011, vous n’existez pas, amis de la chanson de paroles, ou si peu…
Mais le trou dans lequel on vous enterre chaque jour un peu plus ne semble pas encore assez profond aux yeux de certains. Interrogé sur son métier pour le journal La Croix, Bénabar, chantre avant-gardiste du banal, porte-voix de la réhabilitation de l’insignifiant, de l’exaltation du dérisoire et du futile, s’est trouvé un combat urgent et d’importance à mener : « Je défends bec et ongles la chanson de divertissement. Si vous écoutez les mêmes chansons que votre boulangère, vous n’avez pas forcément échoué dans la vie. »
Et ta boulangère de 50 ans, Bénabar, elle a une Rolex ?
La boulangère de Bénabar
17 janvier 2012 par Floréal
Pour voir pas mal de ces artistes-là à la télé… j’ai une solution égoïste, celle de Bernard Joyet, on peut même les avoir en prime time.
GRRRRR !!!
Reste à aller les voir « en vrai ».
« (j’en oublie beaucoup, liste à compléter par le lecteur)… »
Thibaud Couturier, Francis Lalanne…
J’ai ajouté Thibaud Couturier. Pas Francis Lalanne, qui est loin d’être « interdit de séjour » à la télévision, au point de se montrer parfois dans certaines émissions assez lamentables.
Un p’tit gars propre sur lui et assurément non violent, le p’tit Bénabar…
Ça en fait quand même beaucoup, non, tous ceux que tu cites ?
Oui, ça en fait beaucoup qu’on ne voit jamais à la télévision et qu’on n’entend pas davantage à la radio.
Peut-on mieux dire que tu viens de le faire ?
Bien joué ! Et pan sur le bec du Bénabar bien mouché !
Merci. Cordialement.
Steph.
Mais pour moi le problème ce n’est pas Bénabar : sur scène il donne (il donnait ?) pas mal. Non le problème c’est qu’on ne cherche pas ce qu’il y a autour, d’où il vient, par où il est passé… d’autres y sont encore. Je comprends qu’il n’ait pas envie d’y retourner. Un jour il a réussi à ouvrir la porte, quelqu’un s’est empressé de la fermer derrière lui. Le souci ne vient pas des artistes mais de ceux qui les programment.
Un jour Sarclo est passé sur France Inter, le jour même : agitation sur le site, 60 CD vendus (3 Suisses) sur le site dans le mois qui a suivi.
Qui avait programmé Sarclo (en fait le Bel Hubert) un samedi matin ?
En catimini, avant de rendre l’antenne, la saison d’été était terminée.
Alors qui avait osé ?
Une remplaçante des émissions de l’été.
Ni Bénabar, ni ma boulangère n’ont raté leur vie, puisqu’ils font ce qu’ils aiment.
A Rolex ou en Solex, peu importe…
Mais je suis certain, pour quotidiennement le vérifier – dans mon quartier, ma famille, et jusqu’aux plus hautes (disent-ils) sphères de la société –, qu’on peut réussir sa vie tout en passant à côté de l’intelligence, de la délicatesse, de la beauté et du respect de l’autre.
Allez, je complète (et j’adhère 100% au propos) : Romain Dudek, on peut visionner plein de vidéos sur la chaîne youtube de tritoniquemother… et il y a un site aussi.
Merci d’avoir cité (entre autres) Claude Semal et Môrice Benin.
Et puis y a aussi les potes tels que « Raoul Petite », Nilda Fernandez, Paco Ibanez, Lény Escudero, Catherine Ribeiro, Brigitte Fontaine, Pablo Casals, Plume la Traverse…
Steph
Est-ce que vraiment le souci vient de ceux qui programment les artistes ? Je connais mal ce milieu mais il y en a (très peu) qui ont réussi à imposer des invités peu connus ce me semble.
Le souci ne vient pas que des programmateurs. C’est un problème global, celui de la mainmise du show-biz et de l’industrie culturelle sur la télévision et les médias. Ca ne date pas d’aujourd’hui. Je t’enverrai des articles qui expliquent tout ça très bien…
Ils ne passent pas à la télé !
C’est quoi la télé, comment ça marche, à quoi ça sert ?
C’est leur légion d’honneur – en tout cas, c’est leur honneur, et ils sont légion – de n’être pas jugés dignes de la variété d’ameublement pour marchands de poudralaver, bellauto, malbouf, ou de propos « sérieux et responsables » (je pouffe) des responsables sérieux d’incitations à aliénation.
C’est ce que je voulais dire avec le passage à France Inter : combien n’auraient jamais découvert Sarclo sans ce passage. Il y a plein d’artistes qui feraient passer des soirées formidables à plein de gens qui n’ont aucun moyen de savoir qu’ils existent. Reste la solution égoïste/individuelle qui consiste à se mettre soi-même le DVD « Joyet et Miravette au Forum Léo-Ferré » sur sa télé en prime time.
Et je complète : tant mieux si Bénabar a réussi à se faire connaître de toutes les boulangères de France et tant mieux aussi si Bernard Joyet ne s’adresse pas qu’aux boulangères.
Car si on pouvait aliéner les gens au répertoire de Bernard Joyet (je reste sur lui mais on peut se reporter à la liste de Floréal), on arriverait peut-être à « progresser dans la qualité de l’aliénation », car les aliénés se rendraient compte qu’on peut passer une soirée sans télé ???
CQFD ?
La trop fameuse « boulangère » n’est-elle pas une bonne « miche fiscale croustillante » à se mettre sous la dent, à bon compte…
La boulangère lambda télécharge-t-elle les « interdits » de la chanson ? Certes non… Elle ne voudrait pas, la boulangère lambda, crouler sous les foudres de la loi… (on la comprend)…
Mais il lui est présenté, comme à tant d’autres, ce qu’est l’imbécilité française, que ce soit au moment de ce type de conneries ou encore de l’Eurovision… Bien entendu… Les trompettes en ignorent tout !
Un salut particulier à Floréal d’avoir levé le lièvre de la docilité culturelle intégrée.
That ‘s all…
Steph
Il me semble qu’on est complètement d’accord ou alors je me suis très mal exprimé.
La télé c’est (à quelques rares moments près) l’abrutissement des masses à qui on n’explique surtout pas ce qu’il y a d’autre sinon elles iraient ailleurs, elle n’achèteraient pas ce qu’on (on est un con disait ma grand-mère) veut qu’elles achètent et on ne les contrôlerait plus. Pour la culture comme pour le reste, que dire des infos…
C’est le contrôle par celui qui paye, qui paye les télés, les directeurs, les programmateurs, les présentateurs (cherchez pas, nous on n’y est pas, comme disait Coluche). C’est verrouillé de A à Z, ça me semble une évidence. Quand je parle des programmateurs, ça englobe tout : ceux qui font les programmes de la télé.
Je crois qu’il faut continuer quand même à la regarder un tout petit peu pour avoir une idée de ce qui se trame (c’est de pire en pire). La grande dégringolade de ces dernières années, l’affligeante télé-réalité. Et je la trouve encore plus affligeante que ce que j’ai connu de Bénabar (encore une fois ça date un peu).
Sarcloret encore : « Je fais de la chanson pour adultes consentants. Les médias n’utilisent pas ce genre de chansons. Les médias sont tenus par les responsables d’un jardin d’enfants et la chanson pour adultes consentants ne passe pas dans ces médias. Mes chansons pourraient rencontrer un public mais je ne vais pas faire mes chansons pour les médias, je fais mes chansons pour les gens. Je pense qu’il y a des gens qui peuvent écouter mes chansons, qui peuvent les entendre, qui peuvent s’en enrichir. Bonne chance… »
D’accord Floréal pour avoir des articles sur tout ça. Merci.